Développer nos sens avec le toucher numérique
Des chercheurs franco-suisses ont développé un dispositif qui analyse l’intérêt des technologies haptiques. Celles-ci permettent de toucher l’écran de son téléphone portable et ressentir du relief ou une texture. Cette nouvelle étude réalisée notamment par la Fondation Asile des aveugles, le CHUV et la HES-SO Valais-Wallis vient démontrer l’efficacité du toucher numérique, qui, en plus d’apporter une aide dans de multiples tâches quotidiennes, constituerait une substitution sensorielle efficace pour les personnes aveugles et malvoyantes.
L’avènement des smartphones a passablement compliqué la vie des personnes aveugles ou malvoyantes. Comment reconnaître le bouton sur lequel appuyer lorsque nous ne ressentons qu’une surface vitrée sous nos doigts ? Une nouvelle technologie, appelée technologie haptique, permet de ressentir du relief, ou une texture, en passant son doigt sur l’écran. Une récente étude vient de démontrer le plein potentiel de cet ajout d’informations tactiles sur les écrans de téléphones ou de tablettes numériques. En plus de nombreuses applications quotidiennes, le toucher numérique constituerait une aide efficace pour les personnes aveugles ou malvoyantes.
Cette recherche est le fruit d’une collaboration franco-suisse entre le département de radiologie du Centre hospitalier universitaire et l’Université de Lausanne, la Fondation Asile des aveugles de Lausanne, la société française Hap2U, ainsi que l’Institut de recherche en informatique de gestion de la HES-SO Valais-Wallis à Sierre. L’équipe est soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, un contributeur conseillé par Carigest SA, la Fondation Asile des aveugles et la Fondation Pierre Mercier.
Développer ses sens
Dans l’étude publiée aujourd’hui dans Frontiers in Integrative Neuroscience, le professeur Murray du CHUV et ses collègues révèlent que le toucher numérique constituerait un moyen efficace pour développer nos sens. Il est possible de reconnaitre et générer une « image » mentale de l’objet que nous « touchons » par le biais d’une perception tactile numérique.
Il s’agit d’une première étape cruciale pour déployer cette technologie innovante dans des contextes quotidiens, allant de la sécurité au volant, aux achats en ligne, en passant par l’aide aux personnes malvoyantes. Le toucher numérique pourrait apporter une aide dans tous ces domaines.
Collaboration franco-suisse
Le professeur Micah Murray, chercheur principal et professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, souligne d’ailleurs que « Les conducteurs doivent garder les yeux sur la route plutôt que sur leur tablette. Le toucher numérique pourrait être un moyen d’aider à rendre les tablettes « yeux libres ». Il s’agit d’une découverte intéressante dans la façon dont nous combinons notre sens du toucher avec les technologies numériques. »
Mme Ruxandra Tivadar, doctorante à l’Université de Lausanne et à la Fondation Asile des aveugles, ajoute : « Même si nous savions que les gens pouvaient reconnaître les objets par le toucher, nous n’avions aucune preuve qu’ils pouvaient le faire grâce au toucher numérique. ».
Cedrick Chappaz, PDG de Hap2U, souligne que l’étude de Frontiers in Integrative Neuroscience a été une étape cruciale dans la validation de la technologie, expliquant qu’« il est absolument essentiel de fournir des preuves empiriques sur le lien entre les textures haptiques numériques et nos sens. » M. Chappaz a développé la technologie et lancé Hap2U en 2015. Hap2U conçoit et développe une technologie brevetée pour améliorer les expériences dans le monde numérique en intégrant le sens du toucher dans des dispositifs tactiles.
L’équipe teste actuellement cette technologie, non seulement dans des simulateurs de conduite pour améliorer la sécurité routière des personnes voyantes, mais aussi dans des unités et des écoles pour personnes malvoyantes afin de faciliter la navigation indépendante, sur la base de l’apprentissage de cartes haptiques, ainsi que pour compléter les approches existantes de l’enseignement de la lecture, de la géométrie et de la reconnaissance d’objets.
Référence:
Tivadar RI, Rouillard T, Chappaz C, Knebel JF, Turoman N, Anaflous F, Roche J, Matusz PJ & Murray MM (2019). Mental rotation of digitally-rendered haptic objects. Frontiers in Integrative Neuroscience. DOI: 10.3389/fnint.2019.00007
Lien à la publication : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnint.2019.00007
Pour de plus amples informations :
HES-SO Valais-Wallis – Institut informatique de gestion
Dr Paul Matusz, Adjoint scientifique, Institut Informatique de gestion, HES-SO Valais-Wallis, pawel.matusz@hevs.ch, +41 79 819 61 52 (de préférence en anglais)
UNIL CHUV, Fondation Asile des aveugles
Prof. Micah Murray, micah.murray@chuv.ch, +41 79 556 63 55
Mme Ruxandra Tivadar, ruxandraiolanda.tivadar@fa2.ch, +41(0)21 314 1550
Muriel Faienza, responsable communication Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, communication@fa2.ch, +41 21 626 81 11