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Douleur lors des injections intravitréennes : mieux la comprendre pour mieux la dompter

Temps de lecture: 5' Posté le Par Julie Chenal

Publication : Facteurs associés à la douleur lors d’injections intravitréennes de facteur de croissance endothélial anti-vasculaire (anti-VEGF).

Les injections intravitréennes d’anti-VEGF représentent le traitement de choix pour lutter contre des maladies de la rétine telles que la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Ces injections sont très efficaces mais doivent être renouvelées tous les 2 mois en moyenne, pendant plusieurs années. Nous les effectuons sous anesthésie locale (topique) mais certains patients se plaignent de ressentir une douleur lors de ces injections. La Dre Irmela Mantel et son équipe sont préoccupées par le bien-être de leurs patients. C’est pourquoi ils ont décidé de mener une étude prospective pour évaluer les facteurs associés à cette douleur.

Interview de la Dre Irmela Mantel

Comment avez-vous eu l’idée de faire cette étude ?

Nous effectuons environ 150 injections intravitréennes par semaine. Nous sommes interpelés par le nombre de patients qui se plaignaient d’avoir mal pendant les injections d’anti-VEGF. La littérature sur le sujet étant très limitée, nous avons voulu comprendre pourquoi ils ressentaient cette douleur malgré l’anesthésie topique. Nous voulions mettre en évidence les facteurs liés à cette douleur. Était-ce dû à notre procédure (application des gouttes anesthésiques, médicament), à l’état de l’œil (rougeur, multiples injections précédentes, traitement par gouttes oculaires), ou à des caractéristiques du patient (âge, sexe, composante psychologique) ?

Comment avez-vous construit l’étude ?

Cette étude est observationnelle, pour la concevoir nous nous sommes basés sur notre expérience clinique. Nous avons recueillir les données auprès des patients grâce à un questionnaire développé par une étudiante en médecine, le Dre Nguyen Ngoc Chau, et un fellow de recherche en rétine médicale, le Dr Filippo Fabro, en collaboration avec le service des soins palliatifs du CHUV. Avant injection, les patients consentants devaient noter sur une échelle de 0 à 10 la qualité de l’information reçue, leur bien-être, leur niveau d’anxiété, ainsi que la douleur ressentie lors des injections précédentes. Après intervention, ils devaient évaluer le degré de douleur ressenti lors de l’injection. L’équipe chirurgicale recueillait les informations sur l’anesthésie topique et le chirurgien évaluait l’état de l’œil (irritation conjonctivale). Les dossiers médicaux des patients nous donnaient les informations supplémentaires (âge, nombre d’injections précédentes, comorbidités, traitements oculaires, etc).

Comment avez-vous analysé les données recueillies ?

Dans un premier temps, nous avons effectué une analyse des données dite « univariée » pour mettre en évidence les facteurs liés à la douleur due à l’injection de façon statistiquement significative. Dans un deuxième temps, nous avons réalisé une analyse « multivariée » pour voir si ces facteurs étaient réellement indépendants les uns des autres.

Quels sont les principaux résultats?

Deux cent vingt-neuf patients ont répondu à notre questionnaire, plus de la moitié ont qualifié leur injection de douloureuse et 5% de très douloureuse (notée entre 6 et 10 sur l’échelle). Après analyse multivariée, seuls deux facteurs étaient statistiquement liés à la douleur et indépendants l’un de l’autre: l’anxiété du patient et des injections précédemment douloureuses.  Les facteurs significatifs mais pas indépendants (résultats univariés) étaient la rougeur de l’œil, le traitement chronique par gouttes oculaires, et la qualité de l’information reçue.

Finalement, quelle est l’utilité de cette étude?

Tout d’abord, la compréhension du patient est essentielle dans notre travail. Nous avons centré notre étude sur le ressenti du patient. Nous devons admettre que la douleur éprouvée lors des injections intravitréennes est bien réelle. Cette étude permet également de réfléchir aux mesures à mettre en place pour accompagner au mieux les patients. Et ainsi diminuer leur niveau de stress lors des interventions. Par exemple, donner des informations claires, impliquer toute l’équipe soignante pour répondre de façon cohérente aux patients anxieux, ou créer un environnement calme et rassurant, sont des approches prometteuses.

Mener une étude comme celle-ci nécessite des ressources. Qui vous a aidé?

Nous n’aurions pas pu réaliser cette étude sans la participation active de l’équipe soignante, des étudiants et fellows, ainsi que du personnel de l’accueil. Un grand merci à eux ainsi qu’aux patients qui ont accepté de participer!

Factors associated with pain during intravitreal injection procedure with anti-vascular endothelial growth factor.” Nguyen Ngoc Chau I, Fabro F, Ambresin A, Ezziat S, Bergin C, Mazzocato C, Mantel I. BMC Ophthalmology 2016

Lexique

Injection intravitréenne: Il s’agit de l’injection de substances médicamenteuses dans l’œil à l’aide d’une petite aiguille, après instillation d’un anesthésique local.

anti-VEGF: Le VEGF est une substance fabriquée en excès dans l’œil lors de certaines pathologies. C’est un facteur de croissance de vaisseaux anormaux sous la rétine. L’injection d’anti-VEGF empêche la formation de ces néo-vaisseaux.

Analyses univariées et multivariées: Ce sont des techniques de comparaison statistique. Dans une analyse univariée, un critère est analysé sans tenir compte des autres. Dans une analyse multivariée, l’analyse est faite en tenant compte de l’interaction des critères les uns avec les autres.

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