En direct des urgences
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Accessibles à toute heure du jour ou de la nuit, les urgences de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin sont uniques en leur genre. Comme tout service d’urgence hospitalier, leur mission est d’assurer une prise en charge médicale, et si besoin chirurgicale, des personnes qui se présentent. Mais ici bien sûr, la spécialité, ce sont les yeux. Avec une particularité qui peut surprendre dans l’espace d’attente.: bien souvent, les cas les plus spectaculaires ne sont pas les plus graves… Immersion aux urgences ophtalmiques.
Il y a les situations dramatiques d’accident, de coup reçu dans l’œil, de blessure grave, où la question ne se pose pas : il faut se précipiter aux urgences ophtalmiques. Mais dans une multitude de cas, le doute peut survenir. Faut-il s’y rendre pour un œil gonflé, douloureux ou gorgé de sang ? Pour une impression de baisse de vision survenue subitement ? Et si oui, à quoi s’attendre sur place ? Les réponses de celles et ceux qui pilotent le service des urgences au quotidien.
Est-ce que je dois appeler avant de venir aux urgences ?
À moins d’une situation d’urgence évidente, en lien avec un coup ou une blessure par exemple, ou d’un problème survenant en pleine nuit, oui, c’est mieux. C’est pour cela que l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin a mis en place une « Hotline urgence téléphonique »* permettant, durant la journée, d’être mis-e en relation avec le service des urgences. Selon la situation, plusieurs cas de figure sont possibles : la confirmation qu’une prise en charge sans délai s’impose, la proposition d’un rendez-vous à court terme, dans le planning des urgences dites « planifiées » (un à trois jours de délai en moyenne) ou d’un rendez-vous un peu plus tard si le problème ne revêt pas de caractère d’urgence. Un service de téléconsultation d’urgences** est également à disposition afin qu’un spécialiste puisse rapidement contacter le-la patient-e.
Co-responsable de la policlinique et des urgences
* Hotline urgence téléphonique – Horaires : Lundi – Vendredi / 8h – 17h30 – Tél. : 021 626 81 11
** Téléconsultation d’urgences – Horaires : Lundi – Vendredi / 8h – 17h – ophtalmique.soignez-moi.ch
À noter que le plus souvent, ces démarches ne remplacent pas une consultation. « Dans un domaine comme l’ophtalmologie où les outils d’imagerie sont généralement indispensables pour examiner l’œil de près, nous sommes donc vite limitées sur ce que nous pouvons diagnostiquer et traiter à distance, témoigne le Dr François Thommen, co-responsable de la policlinique et des urgences de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Mais ces outils sont de précieux alliés de «pré-consultation». Ils permettent ainsi, à leur manière, de désengorger les urgences de cas qui ne sont pas vraiment de réelles urgences, en planifiant la prise en charge selon le degré de sévérité supposé du problème. »
Comment savoir si mon problème est grave ?
Deux cas évoquent une situation d’urgence absolue pour nos yeux. Le premier : une blessure directe dans l’œil. « Les situations rencontrées aux urgences peuvent aller d’un éclat métallique planté dans le globe oculaire à un impact avec un objet contondant, en passant par des situations plus extrêmes, comme les accidents par hélices de drone, qui se produisent depuis quelques années », décrit le Dr Bao-Khanh Tran, co-responsable de la policlinique et des urgences de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. La seconde situation d’urgence : une perte subite de vision. « Ce phénomène est généralement moins spectaculaire que nombre d’infections des yeux. Et pour cause, de l’extérieur, tout peut sembler normal, souligne le médecin. Et pourtant, une baisse brutale de vision peut être le signe d’une pathologie grave pour laquelle la rapidité de la prise en charge est cruciale. »
Co-responsable de la policlinique et des urgences
A quoi m’attendre sur place ?
À l’arrivée aux urgences, c’est généralement un parcours en trois ou quatre temps qui s’annonce.
1. La réception
Une personne de l’équipe « Accueil et admissions » se charge de vous accueillir. Elle se charge aussi de vous orienter vers la borne tactile permettant de renseigner sur votre venue en choisissant entre « rendez-vous » ou « urgences ». La borne vous délivre un ticket avant que votre numéro ne s’affiche sur un écran central quelques minutes plus tard.
2. L’admission administrative
Un collaborateur ou une collaboratrice, de l’équipe « Accueil et admissions » toujours, enregistre vos données personnelles pour établir votre admission. « Parmi les incontournables : l’enregistrement des cartes d’identité et d’assurance et également la demande au service d’archives du dossier, s’il existe, ou la création de celui-ci si la personne vient pour la première fois. L’équipe soignante prend ensuite possession de ce dossier », détaille Claudia Milheirao, responsable « Accueil et admissions » à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Responsable Accueil et admission
3. La pré-consultation
Symptômes, état de santé général, premières investigations oculaires (acuité visuelle, premiers examens d’imagerie si besoin, etc.).: l’infirmier ou l’infirmière établit l’état des lieux de la situation pour assurer la mission de « triage » propre aux urgences. C’est ainsi que chaque cas se voit mué en code couleur : rouge pour les urgences absolues nécessitant une prise en charge dans l’heure (comprendre que le pronostic visuel est engagé), violet pour les urgences n’impliquant pas forcément le pronostic visuel mais associées à une douleur intense ou à un contexte individuel spécifique (personne souffrant d’une pathologie lourde par exemple) et jaune pour les autres cas.
Le plus souvent, ces derniers relèvent d’atteintes au niveau de la surface de l’œil (chalazion, conjonctive, etc.). « Pour ces pathologies bénignes, la prise en charge peut se faire dans son intégralité par l’infirmier ou l’infirmière, qui intervient toujours en étroite collaboration avec les médecins du service », explique Delphine Gonin, responsable Coordination des soins à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Responsable Coordination des soins
4. La consultation médicale
Assurée par l’un-e des médecins du service, la consultation médicale se déroule au cas par cas. Les examens peuvent être relativement simples et avoir lieu directement sur place ou se faire en lien avec un autre service de l’Hôpital ophtalmique. Ils peuvent également se faire avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) si besoin. « En raison de leur complexité, certaines pathologies de l’œil nécessitent une collaboration interdisciplinaire, tant pour leur diagnostic que pour leur prise en charge, indique le Dr Thommen. L’infarctus rétinien par exemple, qui se manifeste par une brutale perte de vision, est une priorité absolue pour laquelle les personnes doivent être transférées en urgence au service de neurologie du CHUV. Pour sauver l’œil atteint, l’intervention visant à déboucher l’artère en souffrance doit se dérouler au plus tard dans les quatre heures et demie suivant l’apparition des symptômes. »
Pourquoi attendons-nous aux urgences ?
« Au moins cinq personnes, arrivées après moi, sont déjà passées et moi j’attends toujours ! », « Le médecin a réglé mon problème en quinze minutes, j’ai attendu trois heures », « Il n’y a presque personne dans la salle d’attente et j’attends depuis des heures… ». Les urgences, c’est aussi cela : l’attente, l’incompréhension, la patience qui diminue et la pression qui monte. L’explication est universelle ou presque : « Aux urgences, les personnes ne sont pas prises en charge selon leur ordre d’arrivée. Cela se fait selon la gravité des pathologies supposées », résume le Dr François Thommen, co-responsable de la policlinique et des urgences de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Avec une particularité propre à l’ophtalmologie : bien souvent, la douleur ne caractérise pas l’urgence. « L’œil est un organe subtil, complexe et extrêmement riche en terminaisons nerveuses. Dès lors, la moindre poussière qui s’y glisse peut être très désagréable. Mais lorsqu’une lésion grave survient, le pronostic de vision peut être engagé sans qu’aucune douleur ne soit présente pour tirer la sonnette d’alarme, poursuit le Dr Bao-Khanh Tran. De la même manière, certaines pathologies bénignes sont spectaculaires, comme l’hyposphagme, qui tache l’œil de sang, alors qu’un infarctus rétinien ne laisse en apparence rien transparaître. » Conséquence : beaucoup de cas traités aux urgences ne sont pas de réelles urgences et impossible de deviner le trouble dont souffre son voisin d’attente, ni combien de temps durera sa prise en charge…
Feedbacknow, une app pour améliorer les urgences
Mais la question des délais de prise en charge reste un sujet qui mobilise les équipes des urgences. « Nous avons par exemple récemment mis en place le projet « Feedbacknow ». Il permet d’interroger les patients et patientes sur leur expérience aux urgences, illustre Delphine Gonin. L’idée est de croiser ces résultats avec les statistiques que nous réalisons sur le temps d’attente selon les jours, les heures, etc. et d’élaborer des stratégies d’amélioration en tenant compte des divers paramètres et contraintes en présence. »
En coulisses, les projets se multiplient
Certaines situations rencontrées aux urgences peuvent nécessiter des précautions particulières pour ajuster au mieux la prise en charge. Zoom sur deux projets spécifiquement pensés pour accueillir…
… Les personnes avec trouble du spectre de l’autisme (TSA)
Les questions posées dès l’accueil pour l’admission, les allées et venues dans l’espace d’attente, la proximité du soignant ou de la soignante au moment des soins : une multitude de composantes liées à la prise en charge aux urgences peut bousculer, déborder ou inquiéter une personne avec TSA. D’où l’idée initiée par Delphine Gonin, responsable Coordination des soins à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, d’adapter le parcours de soins pour limiter au maximum ces situations vécues dans l’inconfort. « Ce projet s’inscrit dans l’initiative cantonale « Ici TSA (Ici tous sont accueillis) « , née du constat que beaucoup de personnes avec TSA se retrouvent en marge du système de soins, tant il constitue une série d’épreuves pour elles. »
Parmi les initiatives en cours à l’Hôpital ophtalmique : la mise en place de stratégies personnalisées pour limiter les situations de stress (rendez-vous en dehors des heures de pointe, zone d’attente au calme, diminution au maximum du nombre d’intervenant-es, etc.), des fiches d’information spécifiques pour décrire le parcours de soins étape par étape mais également l’instauration d’une cellule de coordination téléphonique entre les services de soins et le ou la patiente avec TSA.
… Les personnes victimes de violence
Traces de coups violents portés au visage, détresse évidente : un traumatisme à l’œil nécessitant des soins en urgence peut (aussi) être le signe de violences interpersonnelles (familiales, conjugales, communautaires, etc.). Et un défi pour l’équipe sur place : comment aborder la question quand le ou la responsable serait l’accompagnant-e ? Que la victime est mineure ? Rejette toute aide ? « Tout l’objectif est de pouvoir orienter la personne, lui donner les conseils adaptés à la situation dans un climat de confiance et aussi prendre les mesures adéquates au besoin », résume Demelza Voland, infirmière à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à l’initiative du récent projet « Détection et prise en charge interdisciplinaire des personnes victimes de violence ».
Une initiative menée en étroite collaboration avec l’Unité de médecine des violences du CHUV qui a déjà donné naissance à une directive institutionnelle et également à de premières formations. Le but étant d’aider les équipes soignantes à assurer ces prises en charge hautement complexes et délicates.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.