Innover
Une année riche en innovations
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est devenu, fin 2023, le 1er centre de thérapie génique oculaire de Suisse romande. Les recherches dans ce domaine portent leurs fruits. Parallèlement, l’institution poursuit ses collaborations nationales et internationales pour améliorer le quotidien des personnes malvoyantes.
Devenir le deuxième centre de thérapie génique oculaire de Suisse n’est pas anodin. L’accréditation, obtenue en décembre 2023 par Swissmedic, est l’aboutissement d’années de travail dans le domaine prometteur de la thérapie génique. Avant d’obtenir cette prestigieuse homologation, l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin a mené plusieurs recherches et essais pour tenter d’endiguer la progression de la rétinite pigmentaire.
En avril 2023 déjà, un essai clinique de phase III mené par l’équipe du Dr Hoai Viet Tran a permis d’administrer, par le biais d’une injection sous-rétinienne, le botaretigene sparoparvovec. Ce produit est prometteur pour traiter la forme la plus courante des rétinites pigmentaires liées au chromosome X, qui est causée par des mutations du gène RPGR. Cette première injection a été réalisée par le Prof. Thomas J. Wolfensberger, épaulé par le Centre d’investigation clinique (CIC).
Un autre produit, le Luxturna, homologué par la FDA (USA) en 2017 et l’EMEA (EU) en 2020 pour les amauroses congénitales de Leber, qui sont causées par un autre gène défectueux, le gène RPE65, est maintenant disponible – et remboursé par l’assurance de base – dans notre Hôpital, grâce à l’équipe du Dr Hoai Viet Tran.
Parallèlement à cela, les équipes du Prof. Yvan Arsenijevic et de la Dre ès sc. Corinne Kostic, responsable du groupe « Retinal Disorder Research », en collaboration avec le laboratoire du Prof. Paul Guichard et de la Dre Virginie Hamel de l’Université de Genève, ont développé une nouvelle approche de thérapie génique pour traiter la rétinite pigmentaire 28 chez la souris.
De nouvelles thérapies prometteuses pour traiter la rétinite pigmentaire
Ces différentes recherches se focalisent toutes sur le remplacement d’un gène défectueux, par l’administration d’un gène sain. Ce dernier est d’abord introduit dans un vecteur viral qui est ensuite injecté dans l’œil et qui va s’introduire dans le noyau des cellules et compenser les effets du gène défectueux. « La thérapie génique oculaire ouvre la voie à une nouvelle ère de la médecine. L’œil est un organe isolé du corps qui réagit très bien à ce type de traitement », se réjouit le Dr Hoai Viet Tran.
Ensemble, c’est mieux
Bien que le service d’ophtalmologie de l’Université de Lausanne soit une institution reconnue en Suisse et à l’étranger, le bassin de population en situation de déficit visuel qu’il traite n’est pas assez important pour mener des études d’envergure dans toutes les sous-spécialités.
Afin de remédier à cela, une plateforme de recherche sur la réadaptation clinique a été créée au sein du Centre de recherche des sciences de la vue en septembre 2023. Dirigée par Fatima Anaflous, orthoptiste à l’Hôpital depuis 2014, cette plateforme permettra de mettre en commun les ressources et de créer des collaborations avec d’autres institutions tant en Suisse qu’à l’étranger. Elle devrait contribuer à mettre en place des innovations dans le domaine de la basse vision.
Enseigner aux ordinateurs
Une plateforme d’un tout autre genre est aussi née cette année dans le but de rassembler et traiter les millions d’images stockées dans les ordinateurs de l’Hôpital. Baptisée RIO, pour Recherche en Imagerie Oculaire, elle a pour mission d’exploiter au maximum les données collectées à l’Hôpital et d’enrichir les connaissances qui peuvent ensuite être partagées avec la communauté scientifique internationale. Cet outil, développé par l’équipe de Mattia Tomasoni, utilise la vision par ordinateur (computer vision) et l’apprentissage profond. Il explique : « L’objectif de RIO est d’automatiser et de standardiser les diagnostics des médecins, afin de les soutenir. Les algorithmes créés avec les stagiaires de l’EPFL sont conçus pour apprendre et s’améliorer avec le temps. Les ordinateurs permettent de formuler des hypothèses que nous devons ensuite explorer davantage avec les experts du laboratoire ou les médecins. »
Apprendre aux machines afin qu’elles puissent être utiles aux êtres humains est toujours plus d’actualité dans le monde médical. En collaboration avec une équipe de l’EPFL, le Dr ès sc. Diego Ghezzi, responsable de la recherche en technologie médicale de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, a mis au point une méthode « d’apprentissage machine » pour compresser les données d’images avec une plus grande précision que les méthodes de calcul sans apprentissage. Cela pourrait être utile pour les implants rétiniens et d’autres prothèses sensorielles.
En effet, lorsqu’un signal transmis par l’environnement dans lequel se trouve la personne doit être traduit en signal neuronal par les électrodes d’une prothèse, le volume d’information est réduit. Cette compression altère la qualité du signal. Pour les implants rétiniens, l’approche d’apprentissage machine s’est avérée efficace dans la recherche du contraste idéal de l’image. « Ce modèle pourrait être associé à d’autres dispositifs, tels que des prothèses auditives ou des prothèses de membres », explique le spécialiste.
Enfin, en octobre 2023, l’Hôpital a achevé l’adaptation de son application Medisight aux besoins très spécifiques des ophtalmologues. Cette plateforme informatique dédiée à l’ophtalmologie permet de digitaliser les dossiers des patients et a été déployée dans presque toutes les unités spécialisées. « Fin 2024, plus aucune note concernant un patient ne devrait se trouver sur un support papier ! », explique Edwige Forestier, cheffe de projet IT.
La révolution de l’imagerie ophtalmologique
Outil indispensable au diagnostic et au traitement des maladies visuelles, l’imagerie ophtalmologique évolue vers toujours plus de complexité et de précision. Après l’astronomie et l’infiniment grand, l’optique adaptative permet d’observer des photorécepteurs in vivo, prouesse inimaginable il y a encore quelques années. L’analyse d’images par l’intelligence artificielle nous permet aujourd’hui d’identifier les signes précurseurs de différentes maladies oculaires.
Ce ne sont pas moins de 18 millions d’images qui sont stockées sur les serveurs de l’Hôpital ophtalmique, représentant 67 Tb (térabytes) de données. Pour vous donner un ordre de grandeur, un térabyte, c’est environ 200’000 chansons ou 17’000 heures de musique ! D’où l’importance des recherches actuelles utilisant l’apprentissage machine pour compresser ces données d’images tout en préservant leur précision.
Merci !
En 2023, la générosité de nos partenaires nous a permis de continuer à faire avancer la recherche en ophtalmologie, de mieux comprendre les mécanismes des maladies oculaires et d’améliorer la prise en charge médicale des personnes atteintes dans leur santé visuelle.
Outre les projets soutenus directement par la Fondation Asile des aveugles, nous tenons à remercier pour leur précieux engagement : la Fondation Aclon, la Fondation en souvenir du Docteur Georges Borel, un généreux donateur conseillé par CARIGEST SA, le Fonds National Suisse, la Fondation Rolf Gaillard, la Fondation Gelbert, Innosuisse, la Fondation Claire et Willy Kattenburg, la Fondation Emma Muschamp, la Fondation Naudl, l’Orphan Disease Center de l’Université de Pennsylvanie, la Fondation Pro Visu, la Alfred und Anneliese Sutter-Stöttner Stiftung, ainsi que de nombreux industriels.
Nous remercions également les organisations et personnes ayant souhaité que leur soutien reste anonyme.