Aller au contenu
L'art entre à l'EMS
Bienvu!

L’art entre à l’EMS

Temps de lecture: 5' Posté le Par Elisabeth Gordon

Des résidentes s’immergent dans l’univers de la peinture et de la photographie.

Dans le cadre d’une collaboration entre l’EMS Clair-Soleil de la Fondation Asile des aveugles et le Musée d’art de Pully, des résidentes, dont certaines sont malvoyantes, ont pu donner libre cours à leur intérêt pour la peinture et s’initier à la photographie.

« C’était très intéressant d’être aidée à mieux appréhender des œuvres », dit Marie-Claude. « J’ai beaucoup apprécié ces moments, c’était un cadeau », renchérit Hervée. En compagnie de quelques autres résidentes de l’EMS Clair-Soleil à Ecublens (près de Lausanne), ces deux amatrices d’art ont participé à des activités organisées par le Musée d’art de Pully.

L’initiative de ce projet revient à Jeremy Gafas, médiateur culturel au musée pulliéran qui a reçu en 2019 le label « Culture inclusive » délivré par l’association Pro Infirmis. « Notre objectif, explique Jeremy Gafas, est de faire vivre autrement nos collections, notamment en créant des relations avec des publics qui ne peuvent pas aisément venir au musée, comme les personnes vivant en institution. » C’est dans ce cadre que le médiateur culturel a proposé à l’EMS Clair-Soleil – qui accueille de nombreuses personnes âgées malvoyantes – son projet « Œuvres nomades ».

Mobiliser tous les sens pour découvrir un tableau

Huit résidentes, « dont certaines atteintes de troubles de la vue », précise Sarah Isely, coordinatrice socioculturelle de l’EMS, ont souhaité participer au projet. Ensemble, elles ont été chargées de sélectionner deux tableaux que le musée a ensuite prêtés à l’établissement. « Étonnamment, constate Jeremy Gafas, comme les résidentes d’un autre EMS avec lequel nous avions collaboré auparavant, elles ont choisi deux œuvres représentant des paysages de Louis Clermont, un peintre du début du 20e siècle peu connu. »

Après avoir participé à un atelier portant notamment sur « la manière de déballer les œuvres et de les accrocher », raconte la coordinatrice, les résidentes ont partagé leurs impressions sur les peintures avec Jeremy Gafas lors de rencontres individuelles. « Il s’agissait, entre autres choses, d’enrichir la vision du tableau. » Ces entretiens, qui ont été enregistrés, ont été rassemblés dans un recueil.

Même les personnes malvoyantes ont pu se livrer à cet exercice. Pour cela, le médiateur a trouvé le moyen de les aider à « voir » les peintures. À cette fin, explique-t-il, « il faut mobiliser les quatre autres sens ». L’idée est par exemple d’associer à la représentation d’un paysage champêtre des sons évoquant la campagne, comme des chants d’oiseaux, ainsi que des odeurs de foin ou d’herbe coupée par exemple, qui sont autant « d’indices traduisant l’image », selon le médiateur. Jeremy Gafas a aussi fabriqué des maquettes tactiles des tableaux dans lesquelles « les textures des matériaux utilisés varient selon les plans et indiquent où se trouve le ciel, où sont placés les personnages, etc. ».

Les résidentes ont enfin participé au constat d’état et à l’emballage des œuvres qui sont retournées au Musée de Pully en novembre dernier.

Les résidentes de l'EMS découvrent un tableau avec Jeremy Gafas.
Les résidentes de l’EMS découvrent un tableau avec Jeremy Gafas.

Balades photographiques

À l’art pictural a succédé la photographie. Les huit participantes ont ainsi poursuivi l’aventure. « L’une d’entre elles est une ancienne photographe et il était touchant de la voir revivre son passé, constate Sarah Isely. D’autres, en revanche, étaient au départ réticentes, mais elles se sont laissé prendre au jeu. »

Il est vrai que le « jeu » a bien démarré. « Nous sommes allées au Musée d’art de Pully, spécialement privatisé pour nous, se rappelle la coordinatrice. Là, nous avons pu visiter l’exposition du photographe Matthieu Gafsou, en sa présence. » Celui-ci s’est par la suite rendu à l’EMS pour animer des ateliers au cours desquels il a présenté et analysé certaines de ses œuvres.

Les participantes ont même été initiées au « light painting ». « Cette technique consiste à employer des jeux de lumière et à pratiquer de longs temps de pose, explique Jeremy Gafas. Les photographes aveugles utilisent cett technique car elle permet de prendre des photos dans le noir. »

La nature et soi

Munies d’appareils – argentique, numérique et instantané – les huit dames se sont ensuite faites photographes. Après avoir choisi une thématique commune – celle de la relation entre la nature et soi – elles se sont livrées, « seules ou en groupe, à des balades photographiques », relate le médiateur. Certes, constate- t-il, « c’est une gageure de prendre des clichés quand on a des troubles de la vue. Mais, comme l’a dit un photographe malvoyant, cette activité ne se fait pas seulement avec les yeux, mais aussi avec le cœur et l’esprit ».

L'image choisie pour l'affiche de l'exposition à l'EMS.
L’image choisie pour l’affiche de l’exposition à l’EMS.

La photographie ne se fait pas seulement avec les yeux, mais aussi avec le cœur et l’esprit.

Jeremy Gafas

Les résidentes ont capté plus de 200 images. « Il y avait beaucoup de photos de plantes et des vues de détails », précise Jeremy Gafas. Il a fallu faire des choix : Matthieu Gafsou en a ainsi présélectionné une soixantaine, dont les résidentes ont extrait 27. Toutes ont été publiées dans un livre. Neuf d’entre elles, tirées en grand format, ont fait l’objet d’une exposition à l’EMS. Le vernissage, qui a eu lieu cet été, a mis un point final aux projets artistiques organisés dans l’établissement par le Musée d’art de Pully. Du moins pour l’instant, car Sarah Isely « espère que cette collaboration pourra se poursuivre ».

Une des images sélectionnées pour l'exposition à l'EMS Clair-Soleil.
Une des images sélectionnées pour l’exposition à l’EMS Clair-Soleil.

Les résidentes qui y ont participé « ont été ravies d’être intégrées au monde de l’art, constate-t-elle. L’une d’elles, malvoyante et d’abord hésitante, a finalement adoré cette expérience. Elle s’est sentie incluse dans le groupe, au même titre qu’une personne voyante. » Quant à Hervée, elle avoue que ces moments passés à disserter de peinture et de photographie vont « beaucoup lui manquer ».

Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.

Cet article vous plaît? Découvrez les articles Bienvu!
Dernière modification le
Generic selectors
Exact matches only
Search in title
Search in content
Post Type Selectors

Afin de vous proposer le meilleur service possible, ce site utilise des cookies. En continuant de naviguer sur le site, vous déclarez accepter leur utilisation