Un camp sportif pour enfants malvoyants

Le Camp Abilities : une semaine estivale pour bouger et s’amuser.

Ce n’est pas parce que l’on est une personne malvoyante ou aveugle que l’on n’a pas envie de faire du sport. Les Camp Abilities sont nés de cette conviction aux États-Unis et essaiment désormais à travers le monde.

La Dre Lauren Lieberman a créé le premier Camp Abilities aux États-Unis en 1996 avant de faire des émules dans une trentaine de pays. Le concept est simple et il séduit. Pendant une semaine, des enfants présentant un déficit visuel s’adonnent à plusieurs sports différents et logent sur place. Certaines disciplines sont des sports conçus spécifiquement pour eux (comme le cécifoot, qui se joue avec un ballon muni de grelots), alors que d’autres se font avec un ou une guide ou moyennant certaines adaptations.

En Suisse, le Camp Abilities a été développé par la Dre Valérie Caron du Département de pédagogie spécialisée de l’Université de Fribourg (UNIFR), avec la collaboration du Centre pédagogique pour enfants handicapés de la vue (CPHV) et le soutien de la Fondation Asile des aveugles. Si la première édition romande en 2021 s’est déroulée sur deux jours uniquement, au CPHV et dans les locaux de l’Université de Lausanne, les suivantes ont à chaque fois duré une semaine.

Ainsi, l’édition 2023 a eu lieu du 10 au 14 juillet à la Vallée de Joux pour le plus grand plaisir des enfants et des adultes ayant participé. Elle a réuni 18 enfants motivés et une trentaine d’adultes et d’étudiants et étudiantes tout aussi enthousiastes. « Deux activités sportives étaient proposées le matin et deux autres l’après-midi. Il y avait également une activité de loisir le soir. Personne n’a eu le temps de s’ennuyer. C’était fabuleux ! », se remémore Annick Sanglard, éducatrice spécialisée au CPHV.

Place à la découverte

Judo, basket, escalade, natation, entre autres, ont permis aux jeunes de se dépenser et surtout de beaucoup s’amuser. Sans oublier une journée sur le lac, où paddles et pédalos étaient à disposition. « Les enfants découvrent certains sports, qu’ils ne pratiquent pas à l’école, dans un contexte sécurisé. Ils sont loin de leurs familles et sortent de leur zone de confort, mais ils ont beaucoup de plaisir.

La joie se lit sur le visage des enfants car ils réussissent quelque chose de nouveau

Sarah Rollinet

Chaque jour, pour miser sur les forces et les apprentissages, ils ont un espace de parole volontaire pour partager ce qu’ils ont appris et réussi », explique la Dre Caron. Et sa collègue Sarah Rollinet, éducatrice spécialisée et coordinatrice du programme à l’UNIFR, de rajouter : « La joie se lit sur leurs visages car ils réussissent quelque chose de nouveau. Ils font également connaissance avec d’autres enfants malvoyants de Suisse romande, cela crée des liens. »

En Suisse romande, environ 200 enfants en âge scolaire sont atteints de déficience visuelle. Les organisatrices aimeraient en convaincre chaque année de nouveaux à participer pour leur faire partager cette joie et ces moments exceptionnels. « En théorie, le Camp Abilities est accessible à l’ensemble des jeunes mal-voyants, dans la mesure où ils présentent un niveau d’autonomie leur permettant de partir du domicile familial durant cinq jours. Il ne faut cependant pas oublier que le camp est très bruyant et que cela peut gêner certaines personnes aveugles. Celles et ceux qui y participent ont une bonne tolérance au bruit », précise Annick Sanglard.

Plus qu’un camp d’été

Si le but premier est de permettre aux jeunes personnes malvoyantes de prendre part à un vrai camp sportif d’été, les Camp Abilities sont aussi un véritable laboratoire d’enseignement et de recherche à ciel ouvert. Les enfants sont sous la responsabilité d’équipes professionnelles expérimentées et sous l’animation d’étudiants et étudiantes en formation provenant de différents horizons universitaires ou de hautes écoles, dans le domaine de l’éducation spécialisée ou de l’activité physique adaptée, entre autres. Ces jeunes s’investissent comme stagiaires, bénévoles, entraîneurs et entraîneuses, mais également pour récolter des données de recherche qui s’inscrivent dans leur processus de master.

Les étudiants et étudiantes animent les activités sportives et proposent un programme en soirée diversifié (confection de savons, ateliers de cuisine, musique, etc.), par exemple. « J’ai été épatée par leur énergie débordante. Tous les jours, ces étudiants et étudiantes ont proposé des loisirs différents », se souvient Annick Sanglard. L’an prochain, les organisatrices espèrent pouvoir réitérer l’expérience dans la Vallée de Joux.

« J’ai adoré découvrir de nouveaux sports »

Ismail, 14 ans, a participé à son premier Camp Abilities en juillet 2023. L’adolescent de Neuchâtel porte des lunettes qui lui permettent de voir relativement bien. « Cela me rassurait de savoir que le camp était adapté à ma vision. J’ai adoré découvrir de nouveaux sports. Le badminton m’a beaucoup plu. J’en avais fait un peu auparavant. » Le jeune homme admet ne pas être très sportif, mais aimerait bien s’y mettre. Lors de la journée sur le lac, il a fait du kayak, du paddle et du pédalo. Lorsqu’on lui demande s’il y a quelque chose à améliorer dans le Camp Abilities, il répond : « Non, tout était très bien et j’aimerais y retourner l’année prochaine. »

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