Étude inédite sur le décollement de rétine : le projet AIRDROP
« Des images aussi importantes pour la recherche que fascinantes »
Trouver des biomarqueurs précoces responsables de l’apparition d’une maladie rétinienne grâce à une caméra ultrasophistiquée, c’est l’objectif du projet AIRDROP*. Détails de cette étude menée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin avec son investigatrice, la Dre Jelena Potic, médecin assistante à l’unité de chirurgie vitréorétinienne.
Vous venez d’obtenir le Prix Kattenburg pour votre projet AIRDROP. Sur quoi porte-t-il ?
Dre Jelena Potic : Dans le cadre de ce projet, nous allons mener une étude prospective et observationnelle sur une centaine de personnes atteintes de décollement de la rétine pour tenter de mieux comprendre l’apparition de complications qui surviennent parfois après son traitement.
Pourriez-vous nous rappeler ce qu’est un décollement de rétine ?
La rétine est le tissu qui tapisse la partie postérieure de l’œil. Ses cellules captent et transfèrent la lumière au nerf optique. On parle de décollement rétinien lorsque des couches de cellules neurosensorielles se séparent de leur base. Une déchirure en périphérie de la rétine en est souvent à l’origine. Du liquide peut alors se glisser dessous et exercer une pression, ce qui entraine son décollement. Ce dernier conduit, s’il n’est pas opéré en urgence, à la cécité.
Comment font les chirurgiens et chirurgiennes pour « recoller » la rétine?
Ils referment la déchirure à l’aide d’un laser et recollent la rétine avec une huile de silicone ou un gaz. Cette opération est très efficace, avec un taux de succès d’environ 95 %. Cependant, malgré les progrès techniques, chez certaines personnes, la chirurgie semble laisser des traces. La récupération fonctionnelle reste donc un défi car actuellement une personne opérée sur dix devra faire face à un nouveau décollement, en général lié à une vitréorétinopathie proliférante apparaissant dans les premières semaines qui suivent l’opération. Cette prolifération vitréorétinienne (PVR) est une réaction cicatricielle qui aboutit à une sorte de plissement de la rétine, responsable de troubles de la vision. Mais nous ne savons pas grand-chose de la PVR, ni ses origines, ni ses causes. Et on ne dispose d’aucun traitement.
Mieux comprendre cette PVR est donc l’un des objectifs de l’étude AIRDROP sur le décollement de la rétine?
Tout à fait. L’étude cherchera à savoir pourquoi et comment une PVR se développe. Elle tentera de découvrir les facteurs responsables et les premiers signes. Pour cela, nous sommes à la recherche de biomarqueurs précoces du développement de la PVR. Si nous en trouvons, nous pourrons mieux prévoir la maladie et, dans un second temps, chercher un traitement. Nous allons également chercher l’origine de la mauvaise récupération visuelle postopératoire présente chez certaines personnes.
Comment repérer ces biomarqueurs?
Nous disposons à l’hôpital d’une nouvelle caméra spécifique, de haute résolution, dite à l’optique adaptative. Elle fournit des images très précises de la rétine, en direct et in vivo, et permet de visualiser les cellules rétiniennes. Des images, inédites jusque-là, aussi importantes pour la recherche que fascinantes. Grâce à elles, nous pourrons analyser les cellules présentes, leurs comportements et leurs éventuels mouvements. Concrètement, nous allons récolter ces images avant une opération du décollement de la rétine puis lors du suivi post-opératoire. Les données obtenues seront ensuite minutieusement analysées. Nous espérons qu’elles déboucheront sur des perspectives nouvelles pour la prise en charge des personnes opérées.
* Adaptive optics Imaging Retinal Disease Onset and Recovery Project (« apparition et rétablissement des maladies rétiniennes suivis par la caméra optique adaptative »)
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.