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Image par drone d'un escalier adapté avec une personne qui marche
Société

Accessibilité : que dit la loi ?

Temps de lecture: 8' Posté le

Visant à contourner les obstacles liés aux handicaps, l’accessibilité constitue un défi aussi vaste que majeur, l’application de la loi encore plus. Si beaucoup reste à faire, les initiatives se multiplient de toutes parts, y compris sous l’impulsion d’un cadre juridique de plus en plus étoffé. Explications avec Me Alain Alberini, avocat à Lausanne et chargé d’enseignement à l’Université de Neuchâtel, et Me Alma Marchand, avocate à Genève.

Me Alain Alberini
Me Alain Alberini

Avocat au barreau, Sigma legal Ltd

Me Alma Marchand, avocate
Me Alma Marchand

Avocate au barreau, Sigma legal Ltd

Un cadre juridique (aussi) européen

La Suisse s’est engagée à respecter le plan d’action du Conseil de l’Europe – dont elle est membre – pour les personnes handicapées 2006-2015 et, plus récemment, la Stratégie du Conseil de l’Europe sur le handicap 2017-2023. Le but de cette dernière est d’œuvrer pour l’égalité, la dignité et l’égalité des chances des personnes handicapées par le biais d’actions dans cinq domaines: l’égalité et la non-discrimination, la sensibilisation, l’accessibilité, la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité et le droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et aux abus. La Suisse dispose en outre de sa propre Politique du handicap 2023-2026. Elle dispose également d’un Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées.

De quelles lois pour l’accessibilité parle-t-on ?

Il existe une pluralité de dispositions réparties dans diverses lois. Ces lois visent à protéger les personnes atteintes de tout type de handicap. Pour rappel, les normes juridiques sont établies selon une hiérarchie préétablie. Le droit international s’impose en premier lieu. S’appliquent ainsi les traités internationaux ratifiés par la Suisse, puis le droit fédéral (constitution fédérale, lois fédérales et ordonnances fédérales) et enfin le droit cantonal (constitution cantonale, lois cantonales et règlements d’application cantonaux). En voici le détail, y compris pour les aspects ayant trait à la déficience visuelle.

Conventions internationales

  • Convention de New York relative aux droits des personnes handicapées (RS 0.109). Elle repose sur plusieurs principes généraux, dont l’accessibilité, mais également la non-discrimination, le respect de la dignité, de l’autonomie individuelle, etc. À noter que cette loi aborde spécifiquement le handicap visuel sous l’angle de l’éducation. L’art. 24 de cette convention impose que les États signataires donnent aux personnes handicapées la possibilité d’acquérir les compétences pratiques et sociales favorisant leur pleine et égale participation au système d’enseignement et à la vie en communauté. Ils s’engagent notamment à faciliter l’apprentissage du braille/écriture adaptée. Ils s’engagent également à veiller à ce que les personnes aveugles (en particulier les enfants) reçoivent un enseignement adapté.
  • Traité de Marrakech (RS 0.231.175). Il vise à faciliter l’accès des textes imprimés et des œuvres publiées aux personnes aveugles, souffrant de défaillance visuelle ou ayant d’autres difficultés de lecture.

Constitution fédérale (RS 101)

Le mandat général fixé dans la Constitution fédérale est le suivant. « La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées » (art. 8 al. 4).

La Constitution prévoit des dispositions plus spécifiques, notamment :

  • En matière d’éducation publique. « Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu’à leur 20ème anniversaire ». (art. 62 al. 3).
  • En matière d’encouragement de la construction de logement et de l’accession à la propriété : « (al. 1). La Confédération (…) peut légiférer sur l’équipement de terrains pour la construction de logements et sur la rationalisation de la construction. (al. 4). Ce faisant, elle prend notamment en considération les intérêts des familles et des personnes âgées, handicapées ou dans le besoin ». (art. 108 al. 4).

Lois et ordonnances fédérales à propos d’accessibilité

  • Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand ; RS 151. 3). Cette loi a pour but de créer des conditions propres à faciliter aux personnes handicapées la participation à la vie de la société, en les aidant notamment à être autonomes dans l’établissement de contacts sociaux, dans l’accomplissement d’une formation ou d’une formation continue et dans l’exercice d’une activité professionnelle (art. 1).
Adhanom, jeune carrossier malvoyant, en train de réparer une voiture.
Adhanom, jeune carrossier malvoyant, en train de réparer une voiture.
  • Ordonnance sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (RS 151.31). Venant préciser la loi fédérale du même nom, cette ordonnance prévoit notamment que la Confédération peut octroyer des aides financières aux cantons qui, dans le cadre de l’enseignement de base, prennent les mesures personnelles et organisationnelles nécessaires pour que les enfants et adolescent-es handicapé-es de la vue puissent suivre l’enseignement dispensé dans les classes régulières, ou dispensent un enseignement de l’écriture braille (art. 16).
  • Ordonnance sur les aménagements visant à assurer l’accès des personnes handicapées aux transports publics (RS 151.34). Cette ordonnance prévoit le principe selon lequel les personnes handicapées en mesure d’utiliser l’espace public de manière autonome doivent aussi pouvoir utiliser les prestations des transports publics de manière autonome (art. 3). En matière de handicap visuel, elle prévoit que l’accès aux moyens de transport publics doit aussi être garanti aux personnes handicapées qui sont tributaires d’un chien d’aveugle ou d’assistance (art. 5 al. 3). Cette ordonnance est elle-même spécifiée par l’ordonnance du DETEC concernant les exigences techniques sur les aménagements visant à assurer l’accès des personnes handicapées aux transports publics (RS 151.342) (mains courantes, informations écrites en relief, marquages au sol, etc.).
Image d'une personne aveugles à la gare - Accessibilité loi
Une personne aveugle se déplace avec son chien à la gare de Lausanne.

Accord intercantonal

  • Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée. Son but est que les cantons concordataires définissent l’offre de base qui assure la formation et la prise en charge des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers, notamment les enfants handicapés, promeuvent l’intégration de ces enfants et de ces jeunes dans l’école ordinaire et s’engagent à utiliser des instruments communs.

Plus d’informations : https://www.csps.ch/themes/offre-en-pedagogie-specialisee

Constitution cantonale vaudoise (RS 131.321)

À l’image de la Constitution fédérale, la Constitution cantonale contient des dispositions générales, telles que : « L’État et les communes prennent en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées et de leurs familles. Ils prennent des mesures pour assurer leur autonomie, leur intégration sociale, scolaire et professionnelle, leur participation à la vie de la communauté ainsi que leur épanouissement dans le cadre familial » (art. 61).

Lois cantonales et règlements vaudois

  • Loi sur les mesures d’aide et d’intégration pour personnes handicapées (RS/VD 850.61) et son règlement d’application (RS/VD 850.61.1). Cette loi règle les mesures d’aide et d’intégration des personnes handicapées ou en grandes difficultés sociales accueillies en établissement socio-éducatif ou accompagnées dans le cadre des prestations socio-éducatives ou socio-professionnelles au sens de l’article 7c, ainsi que leur financement et celui des fournisseurs de prestations (art. 1).
  • Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (RS/VD 700.11) et son règlement d’application (RS/VD 700.11.1). Cette loi prévoit le principe de suppression des barrières architecturales, selon lequel la construction des locaux et des installations accessibles au public, de même que des immeubles d’habitations collectives et des bâtiments destinés à l’activité professionnelle, doit être conçue en tenant compte, dans la mesure du possible, des besoins des personnes handicapées ou âgées (art. 94).

Quelques exemples genevois

  • Loi sur l’intégration des personnes handicapées (RS/GE K 1 36). L’État, en collaboration avec les communes et les tiers intéressés, encourage l’intégration sociale, scolaire, professionnelle et culturelle des personnes handicapées et soutient les initiatives visant à prévenir leur exclusion et à assurer leur autonomie (art. 1 al. 3).
  • Loi sur l’instruction publique (RS/GE C 1 10). Elle prévoit notamment plusieurs dispositions en matière d’éducation spécialisée, comme la prise en charge des frais de transport nécessaires pour les enfants et les jeunes qui, du fait de leur handicap, ne peuvent se déplacer par leurs propres moyens entre leur domicile et l’établissement scolaire et/ou le lieu de thérapie (art. 33 al. 2).

À noter que s’ajoutent à ces divers textes des normes de droit public de rang communal qui garantissent l’accès physique à certains établissements publics.

Des lois pour l’accessibilité, mais pas seulement

La politique en faveur des personnes handicapées s’inscrit ainsi dans un contexte juridique international, fédéral ou encore cantonal, mais l’application de ces lois repose également sur la volonté de la population. Pour exemple, la démarche ayant mené à l’adoption de la LHand, la politique en faveur des personnes handicapées, a fait l’objet de plusieurs initiatives populaires.

Quand l’accessibilité et les lois sont discutées devant les tribunaux

Les procédures judiciaires abordent régulièrement la mise en œuvre de ces lois. Un exemple récent : l’arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud HC/2019/406 du 12 avril 2019. Se fondant sur l’art. 2 LHand et le message relatif à cette loi, les juges ont considéré que si une personne handicapée de l’ouïe ou de la parole a besoin d’un interprète en langue des signes pour faire valoir ses droits en justice dans le canton de Vaud, il revient à la collectivité publique concernée d’en assumer les frais.

Plus d’informations : https://www.inclusion-handicap.ch/fr/droit/droit-et-handicap-137.html

À noter que le droit suisse prévoit que les associations de défense des personnes handicapées ont généralement la qualité pour recourir si elles existent depuis dix ans au moins et si elles agissent contre une inégalité qui affecte un nombre important de personnes handicapées. L’annexe 1 de l’Ordonnance sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées liste les organisations qualifiées pour agir ou pour recourir. Parmi quatorze organisations mentionnées, trois concernent directement le handicap visuel :

La Suisse, bonne élève en matière de loi et d’accessibilité ?

En 2022, la Suisse a présenté au Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies son rapport concernant la mise en œuvre des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Si le Comité a alors salué sa politique concernant la mise en œuvre des droits des personnes handicapées et les évolutions fournies, elle recommande à la Suisse d’uniformiser ses lois (lien pour le rapport, les observations finales et d’autres informations supplémentaires).

Qu’en est-il de la loi pour l’accessibilité des ouvrages soumis aux droits d’auteur ?

Une grande partie des ressources nécessaires à la population, que ce soit à des fins professionnelles ou privées (y compris pédagogiques), se trouve dorénavant sur Internet et est donc accessible au moyen des nouvelles technologies de l’information. La législation sur le droit d’auteur (loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins ; LDA) protège alors une partie de ces ressources.

Mais le droit suisse reconnaît certaines « utilisations licites ». C’est-à-dire certaines exceptions aux droits d’auteur. Autrement dit, des hypothèses dans lesquelles l’utilisation ou la reproduction d’une œuvre protégée ne saurait être interdite par la ou le titulaire des droits. Tel est notamment le cas de l’exception prévue à l’art. 24c al. 1 LDA qui prévoit une licence légale en faveur de l’utilisateur ou de l’utilisatrice autorisant (moyennant, selon les cas, rémunération) la reproduction, la mise en circulation et la mise à disposition (par exemple sur Internet) d’exemplaires d’œuvres protégées sous une autre forme, pour autant que cela facilite son accès aux personnes avec un handicap. Cette licence autorise par exemple la conversion en braille d’un texte écrit publié, ainsi que sa reproduction.

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