Les défis de la recherche en basse vision
Ou comment améliorer l’autonomie des personnes malvoyantes.
De nombreuses innovations visent à aider les personnes malvoyantes ou aveugles dans leur vie quotidienne. Encore faut-il évaluer celles qui leur sont réellement utiles. C’est notamment le rôle de Fatima Anaflous, cheffe de projet de recherche en basse vision et responsable de la plateforme de recherche sur la réadaptation clinique de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, et de Saliou Sangare, vice-président de la Section vaudoise de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA) et lui-même malvoyant, qui participe au développement de moyens auxiliaires destinés à la basse vision.
En quoi consiste la recherche en basse vision ?
Fatima Anaflous (F.A.) Les personnes malvoyantes ou aveugles ont besoin d’une prise en charge spécifique. La recherche en basse vision nous permet de mieux quantifier notre pratique clinique et de tenter de l’optimiser. Elle vise aussi à permettre à la population concernée d’avoir accès à des moyens auxiliaires innovants. À cette fin, il est nécessaire que les spécialistes cliniques, mais aussi les utilisateurs et utilisatrices, soient, dès le départ, intégrés au développement des technologies.
Saliou Sangare (S.S.) Il est en effet très important que nous fassions part de nos difficultés aux développeurs et développeuses travaillant sur ces innovations et que nous leur apportions notre vécu, afin que les moyens mis au point nous soient réellement utiles.
Ce décalage entre les innovations et les besoins réels constitue-t-il un écueil majeur ?
F.A. Pour assurer une meilleure autonomie aux personnes souffrant d’un déficit visuel, il faut notamment les aider à se déplacer en toute sécurité. Actuellement, nous assistons à l’émergence de nombreuses technologies de navigation basées sur l’intelligence artificielle. Mais souvent, les équipes de développement ont de « fausses bonnes idées » et les dispositifs qu’elles conçoivent ne sont finalement pas utilisables par les personnes concernées.
Mais on peut imaginer qu’il y a aussi de vraies bonnes idées…
F.A. Bien sûr. À plusieurs reprises, nous avons participé à l’élaboration de systèmes de navigation innovants. Les plus prometteurs sont ceux qui, dès les premiers prototypes, ont intégré les besoins et demandes spécifiques des utilisateurs et utilisatrices, ainsi que des spécialistes en basse vision, ce qui a permis de procéder à des adaptations au fur et à mesure du développement. La collaboration avec les personnes malvoyantes, sur la base d’un modèle participatif, est cruciale.
S.S. J’ai testé l’un de ces systèmes avec d’autres personnes et nos remarques ont été prises en compte, ce qui apporte une réelle plus-value.
F.A. L’un des principes de la prise en charge de la basse vision est de permettre aux patients et patientes de compenser leur déficit visuel par un autre sens. Dans ce cadre, nous avons aussi participé au développement d’une tablette haptique (inhérente au sens du toucher, ndlr) donnant, en temps réel, des informations « tactiles » sur l’environnement qui permettraient à la personne de s’orienter dans un lieu particulier, sans l’aide de qui que soit.
Saliou Sangare, en tant que malvoyant, qu’attendez-vous de la recherche ?
S.S. Qu’elle m’apporte de l’autonomie. Je rêve d’un moyen auxiliaire ou d’une solution qui me donne accès à l’information sur mon environnement. Cela me déchargerait ainsi mentalement, afin que je puisse faire autre chose. Je souhaite être indépendant dans ma vie quotidienne parce que, dépendre toujours de quelqu’un, c’est difficile à gérer. Je remarque que, dans ce domaine, la recherche avance très vite. Même si mon rêve n’est pas encore exaucé, cela m’offre une béquille avec laquelle je peux évoluer et me permet de garder de l’espoir.
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