Prendre en main sa santé

Des consultations d’éducation thérapeutique pour mieux se soigner.

Depuis 2020, des patients de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin souffrant d’une maladie oculaire chronique se voient proposer des séances d’éducation thérapeutique. Objectif premier : qu’ils et elles prennent en main leur santé, au quotidien et sur la durée.

L’équipe soignante de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin peut conseiller à une personne arrivée aux urgences pour une inflammation des paupières par exemple de suivre une séance d’éducation thérapeutique (ETP). Ce concept, historiquement lié au diabète, s’intègre de plus en plus dans les services hospitaliers. « Il s’agit d’une méthode pédagogique efficace permettant à des personnes souffrant d’une maladie chronique de développer leurs compétences dans leurs soins et finalement d’améliorer leur qualité de vie », introduit Mélanie Silva, infirmière au service d’urgence et à la policlinique de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. L’ETP vise à rendre les patientes et patients acteurs de leur santé. Elle s’attarde autant sur les éventuelles difficultés médicales et sociales que psychologiques.

Rétinopathie diabétique, sécheresse oculaire, maladies immunologiques… De nombreuses maladies oculaires chroniques peuvent être mieux vécues et gérées grâce à des séances d’éducation thérapeutique. « L’ETP profite à l’ensemble des pathologies chroniques, car ces dernières nécessitent toutes un suivi régulier et une adhésion sur le long terme », souligne Mélanie Silva.

Evaluer les besoins

Le plus souvent, les personnes qui entament une démarche de ce type viennent de faire un passage aux urgences ou sont prises en charge dans le service d’immuno-infectiologie. Le premier rendez-vous permet de faire un point. Du temps est pris par l’équipe médicale, composée d’infirmières, infirmiers et médecins, pour informer, expliquer, écouter ou encore convaincre, par exemple de la nécessité de combattre sa maladie chronique sur la durée. Au cours de ce premier entretien qui pose les bases de l’ETP, les besoins, spécifiques à chacun et chacune, sont évalués. L’équipe infirmière recherche d’éventuelles difficultés, liées au suivi des traitements ou aux conséquences de la maladie, des appréhensions, de fausses croyances, des peurs…

Des séances spécifiques d’éducation thérapeutique

Avec l’éducation thérapeutique, un partenariat s’établit entre patients, patientes, soignantes et soignants. « Il s’agit toujours d’échanges constructifs. Rien n’est imposé, rien n’est écrit à l’avance, toute la prise en charge découlant des besoins individuels », décrit Jacinthe Allaire, infirmière aux urgences de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin et en charge de séances d’ETP.

Bien comprendre la maladie et ses enjeux

Un point fréquemment travaillé lors de ces séances est l’acceptation de la chronicité de la maladie. Souvent, la personne est correctement informée. Elle connaît et comprend la pathologie dont elle souffre. Cependant, elle a du mal à accepter le fait que la prise en soin devra se faire sur la durée. « La plupart du temps, les personnes que nous rencontrons espèrent qu’un traitement leur sera donné, qu’il sera efficace et que l’histoire s’arrêtera là, raconte Jacinthe Allaire, mais les maladies chroniques ne rentrent malheureusement pas dans ce schéma. »

L’ETP peut aussi aider à connaître et tenter d’anticiper les possibles complications de la maladie ou à mieux comprendre les effets d’un médicament. Grâce à elle, l’importance d’une bonne observance, c’est-à-dire le fait de prendre régulièrement et convenablement son traitement, peut être comprise et intégrée. D’autres thèmes, comme les facteurs de risque d’une maladie ou l’importance d’une bonne hygiène lors des soins, essentielle dans les maladies oculaires, sont aussi abordés.

Maîtriser les gestes techniques

L’éducation thérapeutique peut également aider à mieux maîtriser certains gestes techniques. Par exemple, les injections qui sont parfois nécessaires en cas de maladie auto-immune. Une action qui n’est bien sûr pas anodine. « Il n’est en effet pas évident de s’injecter un produit. Cela peut générer du stress, de la peur, voire une impossibilité de se traiter », confirme Jacinthe Allaire, avant de poursuivre : « J’ai un jour reçu une personne qui avait arrêté de s’autoadministrer ses injections. En discutant avec elle, j’ai fini par comprendre qu’elle était certaine de mal faire et de perdre la quasi-totalité du produit au cours de l’injection. Afin qu’elle reprenne confiance en son geste et pour lui montrer que seule une goutte du produit était perdue lors du retrait de l’aiguille, j’ai tout simplement rempli la seringue d’eau et je l’ai vidée dans sa main. Cela lui a permis de réaliser ce qu’elle contenait réellement.

Convaincue et rassurée, la patiente a pu reprendre seule son traitement. Cette anecdote est pour moi un exemple simple de l’impact positif que peut avoir l’ETP. En prenant le temps et en écoutant, il est possible d’aider concrètement les personnes à mieux se soigner. »

« Les personnes qui bénéficient de séances d’ETP sont très reconnaissantes et apprécient que nous soyons à l’écoute et nous adaptions à leurs besoins »

Jacinthe Allaire

Des effets scientifiquement prouvés

Les études l’affirment, une personne actrice de ses soins peut mieux appréhender et gérer sa maladie. Ainsi, l’éducation thérapeutique peut se révéler très utile lors de l’apparition d’« effets rebond » en cas de maladie inflammatoire. Ces derniers correspondant à la réapparition de symptômes par exemple à l’arrêt du traitement. Lors des consultations liées à l’apparition d’un effet rebond, « nous constatons souvent que les patientes et patients ayant bénéficié de séances d’ETP ont déjà entamé des autosoins, ce qui prouve que l’ETP les aide vraiment dans la gestion de leur maladie », explique Jacinthe Allaire.

« La plus-value de l’ETP est une certitude, il n’y a plus de discussion sur ce point. Les résultats les plus importants sont parfois visibles sur le long terme seulement, mais ils sont là. Il est aussi certain que les personnes qui bénéficient de séances d’éducation thérapeutiques sont très reconnaissantes. Elles apprécient que nous soyons à l’écoute et nous adaptions à elles et à leurs besoins », ajoute-t-elle.

Quel avenir pour l’éducation thérapeutique ?

Pour le moment, l’ETP ne concerne pas tous les services. Les deux infirmières souhaiteraient un déploiement de ces séances afin de répondre au mieux aux besoins d’un maximum de patients. « D’autres services, d’autres unités pourraient largement bénéficier de l’éducation thérapeutique et de ses atouts. Il faut pérenniser et même faire évoluer l’ETP », concluent-elles.

De l’éducation thérapeutique pour les personnes portant des lentilles

A l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, nous avons mis en place une consultation de contactologie qui prône l’éducation thérapeutique. Conduite par un optométriste, elle se concentre sur les possibles problèmes liés au port de lentilles de contact (comme une kératite, inflammation de la cornée suite à une utilisation trop prolongée, l’apparition d’une intolérance, une infection ou une sécheresse oculaire) et surtout sur les moyens de les limiter ou de les éviter (hygiène des mains, port adapté, bon entretien des lentilles, etc.).

Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.