La culture à portée de toutes et tous
De plus en plus d’expositions deviennent accessibles aux personnes malvoyantes.
Il paraît difficile de profiter d’un musée quand on est en situation de handicap visuel ou d’un festival de musique lorsqu’on a en plus une déficience auditive. L’association L’art d’inclure s’investit pour que les personnes malvoyantes ou malentendantes puissent pleinement participer à ces manifestations culturelles.
La co-fondatrice et présidente de l’association L’art d’inclure, Muriel Siksou, avait une quarantaine d’années lorsqu’elle a appris qu’elle souffrait d’une maladie dégénérative de la rétine. À l’annonce du diagnostic, « ça a été le chaos », se rappelle-t-elle. Mais elle a très vite rebondi et pris sa décision : « Si je dois perdre la vue, il faut que cela serve à quelque chose. » Muriel Siksou intègre donc le comité de la section vaudoise de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA), au sein duquel cette grande amatrice d’art est alors chargée des activités culturelles. Pionnière en la matière, elle a été l’une des premières à tester des programmes d’audiodescription au théâtre ou encore, en collaboration avec Pro Infirmis, à adapter des festivals afin de les rendre accessibles aux personnes malvoyantes.
En 2015, Muriel Siksou, devenue malentendante et donc atteinte de « surdicécité », comme on appelle ce double handicap, décide de voler de ses propres ailes et souhaite, comme elle le confie, « ouvrir plus largement encore l’accès à la culture aux personnes malvoyantes ou malentendantes ». En compagnie de Quitterie Ithurbide, artiste plasticienne, et de Gabrielle Chappuis, médiatrice culturelle, elle fonde l’association L’art d’inclure.
Audiodescription et approche tactile pour favoriser l’accessibilité
Depuis, chaque mois, l’association vaudoise, qui a reçu le label Culture Inclusive de Pro Infirmis, organise une activité à l’intention de ses membres, qui sont une soixantaine. Des groupes de 20 ou 25 personnes se rendent ainsi au musée par exemple. « Nous organisons des visites sensorielles en privilégiant les approches tactiles, mais aussi olfactives et auditives, précise sa présidente. Nous faisons en sorte que celles et ceux qui y participent puissent mettre tous les sens en effervescence pour mieux appréhender les œuvres. »
Les visites sont adaptées au public concerné. Elles sont « guidées et commentées par des médiateurs et médiatrices ou des conservateurs et conservatrices formés par nos soins à l’audiodescription des œuvres », souligne Muriel Siksou. Pour faciliter l’écoute, l’association met à disposition de ses membres du matériel technique approprié. Il s’agit « d’émetteurs-récepteurs avec boucles magnétiques qui permettent, directement ou à l’aide d’un casque, de recevoir le son dans l’oreille, ce qui évite les pertes auditives », poursuit-elle.
Dans les expositions, nous organisons des visites sensorielles en privilégiant les approches tactiles, mais aussi olfactives et auditives.
Muriel Siksou
À l’audiodescription peut s’ajouter un décor sonore ou sollicitant divers sens, comme le goût, ou une approche tactile « que nous mettons en place en amont de la visite avec le médiateur ou la médiatrice culturelle », précise Muriel Siksou. Par exemple, lors de l’exposition « Léon Spilliaert. Avec la mer du Nord », à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, les visiteurs et visiteuses pouvaient tenir en main les coquillages représentés dans certains tableaux. Au Musée d’art de Pully, quelques maquettes évoquant les œuvres d’Auguste Veillon leur étaient proposées. Tout est donc fait pour immerger le public dans les œuvres picturales.
Participer à des festivals
Outre les expositions, l’association accompagne aussi ses membres au Festival de musique populaire de Moudon et au Cully Jazz festival. Là, « nous avons pu toucher les divers instruments, ce qui a permis une approche tactile de la scène en préparation. Nous avons aussi eu l’occasion de discuter avec des musiciens et avec un ingénieur du son qui nous a présenté son matériel », raconte la présidente de L’art d’inclure. Puis, les personnes en situation de handicap visuel ou de surdicécité ont assisté au concert, assises au premier rang qui leur était réservé, « comme des VIP », dit en riant Muriel Siksou. De tels projets inclusifs « permettent d’attirer dans des festivals un public qui n’a pas l’habitude de les fréquenter », ajoute-t-elle.
Sensibiliser les musées
Ces activités culturelles ont un double intérêt. Tout en permettant aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif d’avoir accès à la culture, elles fournissent l’opportunité de sensibiliser les musées aux problèmes de ce public particulier. « Nous avons des partenariats avec les musées lausannois et vaudois. Nous les aidons à adapter le contenu des expositions, afin de rendre celles-ci accessibles à nos membres, ajoute-t-elle. En amont des visites d’expositions, je mets aussi à profit mon expertise pour valider le choix et les approches proposées. »
L’association maintient également des liens étroits avec des institutions spécialisées dans le déficit visuel. En association avec le CPHV de la Fondation Asile des aveugles, elle collabore avec l’Espace des inventions, « afin d’inciter les enfants à s’y rendre, indique Muriel Siksou, et avec le service social et réadaptation basse vision de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, autour de la Collection de l’art brut ».
À n’en pas douter, la présidente de L’art d’inclure ne manque ni d’idées, ni d’énergie pour mener à bien l’ensemble de ces projets. « Bien que malvoyante et malentendante, je ne voulais pas renoncer aux activités culturelles. J’ai souhaité montrer aux autres personnes atteintes par ces handicaps que l’on pouvait faire beaucoup de choses. Ce qui me motive est de donner du plaisir aux gens », conclut cette femme passionnée par sa mission.
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