L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin et moi
Zoom sur un hôpital ophtalmique unique en son genre et sur sa fondation.
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est le vaisseau amiral de la Fondation Asile des aveugles. Depuis sa création en 1843, cette dernière regroupe des activités et compétences uniques au monde autour de la vision. Portrait express et récits de patients et patientes témoignant de ces innombrables activités.
Les Vaudois et Vaudoises connaissent de près ou de loin l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin et savent qu’en cas de problème aux yeux ne pouvant attendre une consultation sur rendez-vous ou pour certains suivis spécifiques, c’est bien là qu’il faut se rendre. Ce que la population ignore parfois, c’est que ce bâtiment de l’Avenue de France à Lausanne fait partie d’une fondation de droit privé reconnue d’utilité publique qui propose une multitude d’activités et de compétences autour de la santé visuelle, la Fondation Asile des aveugles.
Consultations, urgences, service social et de réadaptation
Mais commençons par l’hôpital. « L’Hôpital ophtalmique regroupe sous un même toit les consultations d’ophtalmologie et les urgences, mais également un service social et de réadaptation basse vision. L’hôpital est le service d’ophtalmologie de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, et ses médecins travaillent aussi au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) pour assurer une prise en charge ophtalmologique sur place des personnes qui y sont hospitalisées », explique Vincent Castagna, directeur général de la Fondation.
La Fondation, l’Université de Lausanne, le CHUV et l’État de Vaud sont en effet liés par une convention depuis le début du 20e siècle. Agissant aussi en dehors de ses murs, l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin développe des activités de santé publique (dépistage, prévention, etc.) sur tout le territoire cantonal. Il mène également des projets de recherche et forme la relève, sans oublier les consultations itinérantes qu’il assure dans d’autres établissements du canton.
Une fondation créée en 1843
Quant à la Fondation Asile des aveugles elle-même, dont l’histoire influe en permanence sur l’esprit de l’hôpital, « elle a été créée en 1843, pour prendre en charge la santé visuelle de la population lausannoise, mais aussi les enfants atteints dans leur vision. Ces jeunes avaient besoin d’éducation et de soins, puis ils ont grandi et il a fallu les accompagner dans leur vie d’adulte et enfin jusqu’à l’entrée en EMS. C’est la raison pour laquelle la Fondation a mis sur pied un grand nombre d’activités et a développé ses compétences tout au long du parcours de vie des personnes ayant un déficit visuel », poursuit le directeur.
C’est ainsi qu’aujourd’hui la Fondation propose à la population un hôpital avec une policlinique et des urgences ouvertes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, un centre de recherche, un centre de compétences autour du déficit visuel (CPHV), un service de suivi éducatif dans les écoles du canton, un service social et de réadaptation basse vision qui accompagne les personnes malvoyantes dans leurs démarches d’autonomie et d’inclusion, un EMS, l’École supérieure d’orthoptique ou encore une plateforme d’insertion professionnelle. « Le dénominateur commun de tout cela est la santé visuelle de la population», conclut Vincent Castagna.
Directeur général de la Fondation Asile des aveugles
« Une personne du service basse vision de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est venue chez moi pour m’aider à adapter mon environnement »
Raymonde est atteinte de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Elle se rend régulièrement à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin pour des injections et des contrôles.
« Étant diabétique, j’étais suivie régulièrement par mon ophtalmologue installée en cabinet. Mais en 2017, elle m’a suggéré d’aller consulter à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin car elle a décelé un début de DMLA. Depuis cette date, je m’y rends plusieurs fois par an. La maladie a commencé au niveau de mon œil droit et elle est désormais présente dans les deux yeux », explique Raymonde. L’octogénaire a développé la forme humide de la DMLA, qui a la particularité de proliférer rapidement. Afin de freiner sa progression, la patiente a bénéficié d’injections intraoculaires régulières. « Au début de ma prise en charge, je devais me rendre tous les mois à l’Hôpital ophtalmique pour une injection. Ensuite, les rendez-vous ont pu s’espacer. Aujourd’hui, il ne me reste que 10 % d’acuité visuelle à droite. Heureusement, je vois encore pas trop mal avec l’œil gauche », raconte l’octogénaire.
Raymonde est également suivie par le service de réadaptation basse vision afin de mettre en place des moyens pour préserver le plus possible son autonomie. « Une personne de ce service est venue chez moi pour m’aider à adapter mon environnement. Elle m’a par exemple conseillé de mettre une deuxième lampe dans la salle de bain, car je n’avais que celle de l’armoire à pharmacie. Le service m’a aussi prêté différentes lunettes de soleil pour que je puisse les tester en extérieur et voir celles qui me convenaient le mieux. J’ai également été accompagnée pour monter et descendre des escaliers en toute sécurité. »
« J’ai eu de la chance de consulter rapidement un médecin à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin car l’infection aurait pu endommager ma vue »
Natacha a pour habitude de porter des verres de contact tous les jours, du lever au coucher. Il y a cinq ans, elle a contracté un champignon suite à une mauvaise désinfection de ses lentilles.
« Je suis myope et je n’aime pas porter des lunettes. Je mets donc des verres de contact tous les jours, du moment où je me réveille jusqu’à celui où je vais me coucher. Au début, je portais des lentilles mensuelles qu’il fallait nettoyer tous les soirs avec un produit désinfectant, avant de les disposer dans une petite boîte de stockage. J’admets que je n’étais pas très méticuleuse et qu’il m’arrivait de ne pas changer le produit d’entretien tous les jours », raconte Natacha.
La trentenaire se souvient avoir eu à plusieurs reprises les yeux rougis, sans s’en inquiéter. Jusqu’au jour où son verre de contact colle un peu trop à son œil au moment de l’enlever. Elle constate alors que ce dernier est très rouge et qu’il la démange. « J’ai mis quelques gouttes hydratantes et je suis allée me coucher. Pendant la nuit, j’ai senti quelques petits électrochocs dans mon œil et, le matin, il était de plus en plus rouge. »
Ce jour-là, Natacha remet tout de même ses lentilles en pensant que le mal disparaîtra. « J’ai croisé une amie qui travaille à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin et elle m’a dit que ce qu’elle voyait l’inquiétait. Elle m’a convaincue d’aller consulter, ce que j’ai fait… Le médecin qui m’a reçue m’a alors appris que j’avais contracté un champignon qui avait déjà commencé à endommager mon œil et que les électrochocs ressentis pendant la nuit étaient certainement liés aux lésions déjà formées. Sans traitement, ma vue aurait pu être endommagée ! »
Pour venir à bout de cette infection, Natacha a dû mettre des gouttes antifongiques toutes les heures, puis toutes les deux heures (nuits comprises) pendant plusieurs jours. « Après cette première consultation en urgence, j’ai été suivie par une médecin de l’Hôpital ophtalmique. Je réalise que j’ai eu de la chance de ne pas avoir attendu plus longtemps avant d’aller aux urgences. » Suite à cette expérience, Natacha a décidé de porter des lentilles journalières jetables et se lave désormais scrupuleusement les mains avant de les mettre ou de les enlever. « Les opticiens et opticiennes qui vendent des verres de contact n’insistent pas assez sur l’importance de l’hygiène et sur les dangers encourus ! », estime Natacha, bien consciente qu’elle a eu de la chance dans sa mésaventure.
« J’ai dû quitter l’école publique pour être scolarisé au Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue »
Lionel n’avait que 3 ans lorsqu’une tumeur au cerveau lui a été diagnostiquée. Il est aujourd’hui suivi tous les six mois à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
« Lorsque j’ai eu 3 ans, mes parents ont constaté un changement de comportement et une mauvaise humeur anormale chez moi. Le pédiatre qui m’a ausculté a prétendu que tout allait bien. Heureusement, mes parents ont décidé de se rendre au CHUV pour en avoir le cœur net », résume le jeune homme de 29 ans. Le diagnostic tombe après une IRM : Lionel a une tumeur au cerveau.
Le jeune garçon est opéré, mais toute la masse cancéreuse ne peut être retirée car elle se trouve sur le nerf optique. « Lorsque ma vue a commencé à baisser, en raison de la partie résiduelle de la tumeur, j’ai commencé à être suivi à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin – je dois encore aujourd’hui m’y rendre tous les six mois pour un contrôle. J’ai pu commencer l’école publique, mais très rapidement, il a fallu que j’intègre le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV). Tout y est adapté à mon handicap et cela m’a permis de terminer l’école primaire sans difficulté. J’ai insisté pour y apprendre le braille, car je ne sais pas ce que l’avenir me réserve », poursuit-il.
En 2018, alors qu’il est déjà aveugle de l’œil droit, la tumeur récidive et l’acuité visuelle de son œil gauche diminue encore de 20 %. Aujourd’hui, il ne reste à Lionel que 10 à 15 % de vision résiduelle. Malgré son handicap, il a voulu poursuivre ses études. Après avoir obtenu une attestation fédérale de formation professionnelle, il a pu exercer en tant qu’assistant de bureau, réceptionniste et téléphoniste. « Je ne me morfonds pas. Je vais de l’avant avec ma canne blanche et ma volonté. Je vis seul. Lorsque j’ai un rendez-vous au CHUV ou à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, j’y vais en train. Je connais le trajet par cœur, depuis le temps ! »
« Je dois réapprendre à voir »
Thimeth Than Thanabalasingam est le premier patient en Suisse romande à avoir bénéficié d’une thérapie génique ophtalmique pour lutter contre sa maladie génétique. L’intervention s’est déroulée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Thimeth Than Thanabalasingam est déterminé à mener sa vie de la façon qu’il souhaite et cela indépendamment de son handicap visuel. En effet, le jeune homme de 26 ans est atteint d’une amaurose congénitale de Leber depuis son enfance. Cette pathologie provoque une malvoyance importante. Suivi depuis ses 4 ans à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, Thimeth Than Thanabalasingam a bénéficié d’une thérapie génique d’avant-garde qui améliore grandement sa vision. « Fin février, j’ai reçu une première injection dans mon œil gauche. Puis en avril, c’est l’œil droit qui a bénéficié de ce traitement. D’après les tests réalisés en juin, mon champ visuel a doublé ! Cela signifie que je vois beaucoup plus sur les côtés. C’est un peu comme si on avait ouvert davantage ma fenêtre sur le monde », témoigne le jeune homme.
Thimeth Than Thanabalasingam est aussi particulièrement sensible à la lumière. Avant son traitement, il avait des difficultés à distinguer les objets dans la pénombre. C’est la raison raison pour laquelle il n’aimait pas porter des lunettes de soleil, car cela diminuait son acuité visuelle. « Aujourd’hui, je les porte volontiers car mes yeux ont une meilleure réception de la lumière. J’étais en vacances l’été dernier et je suis parvenu à jouer au bowling le soir en me classant deux fois à la première place ! C’était impensable avant les injections », raconte-t-il.
Désormais juriste, il est le premier romand à avoir bénéficié de cette thérapie qui consiste à injecter une version saine du gène défectueux causant la maladie et à rétablir en partie son bon fonctionnement. « Je dois m’habituer aux changements et réapprendre à voir, en quelque sorte. Je vais certainement acquérir de nouveaux réflexes avec le temps », conclut-il.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.