
Au cœur des dons
Soutiens indispensables, les dons font partie de l’ADN de la Fondation Asile des aveugles.
Chaque année, près de 1000 donations parviennent à la Fondation Asile des aveugles. Certaines servent à financer des projets ponctuels en lien avec le handicap visuel, d’autres soutiennent notamment la recherche à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Modestes ou plus importantes, ces sommes sont essentielles au bon fonctionnement de l’institution.
Loin d’être anecdotique, le mécénat est à l’origine de la création de la Fondation Asile des aveugles. En 1843, ce sont en effet les deniers de William Haldimand, grand mécène lausannois et d’Élisabeth Jeanne de Cerjat, suivie par le Dr Frédéric Recordon, qui permettent à ce dernier de donner naissance à l’institution. Plus de 180 ans plus tard, et bien que la Fondation perçoive désormais des subventions publiques et s’appuie sur les revenus d’exploitation de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin et de l’EMS Clair-Soleil, les dons font toujours partie de son ADN. « Nous pouvons compter sur des donateurs et des donatrices fidèles, qu’il s’agisse de particuliers ou de fondations. Chaque année, nous recevons environ 1000 dons. Leurs montants varient beaucoup, mais chacun d’entre eux a son importance. Ils représentent l’équivalent de 4 à 5 % du budget d’exploitation de la Fondation », explique Juliette Fahlenbrach, responsable du mécénat et des relations donateurs à la Fondation Asile des aveugles.

Responsable du mécénat et des relations donateurs
Projets et recherches
En 2024, dix nouvelles fondations sont venues en renfort pour financer projets et recherches. « Ces dons proviennent d’institutions qui ont une convergence d’intérêts avec la Fondation. Celle-ci répond aujourd’hui à des défis sociétaux très variés : allongement de l’espérance de vie, inclusivité, égalité des chances, autonomie des personnes âgées, utilisation des nouvelles technologies pour le bien commun », poursuit la responsable. Par le passé, les sommes réunies ont permis, entre autres, de soigner des enfants atteints de rétinoblastome (cancer de l’œil) ne vivant pas en Suisse, de mettre sur pied des campagnes de dépistage gratuit ou encore d’organiser des camps sportifs pour les jeunes. De tout temps, les dons ont aidé la Fondation à poursuivre ses nombreuses missions de soin et d’accompagnement au service de la population.
Entre la moitié et les deux tiers des sommes récoltées chaque année soutiennent des travaux de recherche fondamentale, clinique et translationnelle qui requièrent souvent des montants de plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers de francs. D’autres domaines moins coûteux n’en sont pas moins indispensables. Parmi eux, rien qu’en 2024, il y a eu la création d’un parcours de mobilité dans le jardin de l’EMS Clair-Soleil. Sans oublier la collaboration entre Bibliomedia et la Fondation qui va permettre de mettre en place des animations sensorielles pour promouvoir la lecture auprès des enfants malvoyants. Des ouvrages adaptés pour les tout-petits seront disponibles courant 2025.
Plusieurs réalisations en 2024
Grâce au soutien de la Loterie romande, de la Chaîne du Bonheur et de la Fondation UBS pour le domaine social et la formation, la Fondation Asile des aveugles a pu poursuivre sa mission d’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap visuel. Enfin, toujours en 2024, grâce aux dons de cinq fondations, la production d’un appareil utilisé en oncologie oculaire – la Panoret II – a été relancée. Bien que très utile pour suivre l’évolution des tumeurs oculaires, il n’était plus disponible. « La générosité des mécènes représente un formidable signe de confiance envers la Fondation. De plus en plus de personnes font également des dons testamentaires, lesquels représentent une part importante du montant annuel reçu », conclut Juliette Fahlenbrach.
Un jardin d’équilibre financé par deux fondations

L’EMS Clair-Soleil, situé à Ecublens, a la chance de posséder un magnifique jardin. L’idée a donc germé d’utiliser ce bel espace pour améliorer l’autonomie des personnes résidentes. « Nous avons mis en place un parcours qui favorise la mobilité et propose des exercices d’équilibre afin de réduire notamment les risques de chutes. Il se compose de cinq éléments qui mobilisent différents aspects de la marche », explique Mireille Carrupt, directrice de l’EMS Clair-Soleil.
Parcours d’obstacles, labyrinthe, espalier avec poulie, textures et couleurs au sol sont ainsi disposés sur une partie de la terrasse de l’EMS, facilement accessible. Pour concevoir ce jardin d’équilibre, l’EMS a reçu un soutien de la Fondation Esther Locher-Gurtner et de la Fondation Nadine et Jacques Stalder, les Passereaux. Mais ce n’est pas tout : « Ce parcours n’aurait pas pu voir le jour sans le temps et l’énergie investis par nos trois ergothérapeutes et notre physiothérapeute », souligne la directrice.
« Je ne veux pas uniquement donner de l’argent, je veux m’investir dans des projets qui me parlent »

Désormais retraité, Rudi Blatter, ancien cadre dans une multinationale, ne chôme pas pour autant et offre son soutien à des causes qui le touchent.
Rudi Blatter est un globe-trotter hyperactif. Cet ancien directeur général d’une firme chocolatière suisse a fait une grande partie de sa carrière au Canada. « Là-bas, toutes les grandes sociétés allouent 2 % de leurs bénéfices aux œuvres de charité. Rendre ce que l’on a reçu à la communauté est ancré dans les pratiques. Les personnes employées dans l’entreprise que je dirigeais mettaient aussi la main à la pâte lors d’événements caritatifs », raconte-t-il. Cet état d’esprit philanthropique n’a donc jamais quitté l’homme d’affaires originaire des Grisons, qui partage aujourd’hui sa vie entre la Suisse et le Canada : « Je ne veux pas uniquement donner mon argent, je veux m’investir dans des projets qui me parlent. En 2019, j’ai eu un problème à un œil et j’ai été remarquablement pris en charge à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Je ne connaissais pas ce lieu, mais j’ai été marqué par le professionnalisme des équipes et leur sens du service. Je ne crois pas au hasard. J’ai donc naturellement voulu faire un don à cette institution qui a sauvé ma vue ! » La somme ainsi offerte a contribué à la mise en place de la consultation ophtalmologique en EMS pour les seniors qui ne peuvent pas se déplacer. « Toutes les causes que je soutiens, que ce soit la sauvegarde des ours polaires ou une recherche médicale, ont un sens pour moi. Je suis un adepte de la « sérendipité ». Ce terme désigne une rencontre fructueuse due au hasard. C’est ainsi que je suis amené à soutenir des projets très différents », poursuit Rudi Blatter.
Allant à l’encontre de la mentalité suisse, il ne cherche pas à cacher ses actions philanthropiques. « Les Suisses donnent beaucoup aux bonnes œuvres, mais n’en parlent pas. Au Canada, il y a une maxime qui dit « Sois bon et parles-en ». Je trouve important de parler des actions que je soutiens afin de les faire connaître », conclut-il.
« La fondatrice d’Emouna avait des problèmes de vue et a été bien soignée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. »

La Fondation Emouna soutient chaque année plusieurs projets de la Fondation Asile des aveugles.
Un véritable lien de confiance s’est établi entre la Fondation Asile des aveugles et la Fondation Emouna. « La fondatrice d’Emouna, terme qui signifie « foi » en hébreu, était une ressortissante irakienne israélite. Elle avait des problèmes de vue et elle a été bien soignée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. En créant sa fondation en 1990, elle a souhaité venir en aide principalement aux personnes sourdes, aveugles et autistes », explique François Chappuis, président du conseil de la Fondation Emouna. Et d’ajouter : « En 2024, la Fondation a versé 140 000 francs à plusieurs institutions suisses. Elle aide sans discrimination différentes causes à l’étranger, en Suisse et notamment dans le canton de Vaud. »
Les fonds ainsi reçus en 2024 ont permis à la Fondation Asile des aveugles de financer la formation en orientation et mobilité des collaborateurs et collaboratrices du Service social et réadaptation basse vision. La Fondation Emouna a aussi contribué à la réalisation du dispositif Panoret II (lire texte principal).
« J’ai compris que cette personne concevait le don comme un moment de partage »

La recherche médicale nécessite d’importantes sommes d’argent. Habitué à faire des demandes de financement pour mener à bien ses travaux, le Dr ès sc. Raphaël Roduit, responsable du groupe Dégénérescence maculaire et rétinopathie diabétique à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin a eu la surprise d’être invité par « sa » donatrice centenaire pour discuter de son projet.
Le Dr Raphaël Roduit se souviendra longtemps de sa rencontre, courant 2020, avec Anita Damm-Etienne. « J’avais sollicité la Fondation Anita et Werner Damm-Etienne – créée par cette donatrice après le décès de son mari – afin d’obtenir des fonds pour une étude sur les biomarqueurs impliqués dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’avocat qui gère les affaires de cette fondation m’a fait savoir que la mécène souhaitait d’abord me rencontrer. Cela est assez inhabituel, mais j’ai compris que cette personne ne concevait pas le don comme une somme que l’on verse, mais comme un moment de partage. »
Le Dr Roduit s’est donc rendu chez la donatrice. « J’ai été accueilli par une gouvernante qui m’a fait patienter dans un salon. Elle m’a proposé une coupe de champagne, que j’ai déclinée… il était 9 h du matin ! J’ai alors fait la connaissance d’Anita Damm-Etienne. Elle avait 99 ans. Aujourd’hui, je sais qu’elle est toujours vaillante et suis régulièrement en contact avec elle. Lorsqu’elle est venue à son rendez-vous de contrôle à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin l’an dernier, elle a demandé à me voir pour me saluer. »
Le jour de cette première rencontre, en 2020 donc, le Dr Roduit et la mécène ont discuté pendant plus de quatre heures. « Elle m’a invité dans un restaurant où elle avait ses habitudes. Elle m’a parlé de sa vie, de ce qu’elle et son mari avaient vécu pendant la Deuxième Guerre mondiale. Malgré son grand âge, elle était très autonome. Lorsque sa canne est tombée par terre, elle n’a pas voulu que je la ramasse. Très jeune, elle a dû se débrouiller seule, en gérant, notamment, la pharmacie de son patron parti à la guerre. Je suis ravi d’avoir partagé ce moment avec elle. Cela a été une rencontre formidable. »
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.