L’œil pour dépister la sclérose en plaques
Repérer les atteintes du nerf optique pour un diagnostic plus précoce.

La sclérose en plaques pouvant affecter le nerf optique, un projet de recherche vise à détecter le plus tôt possible ces éventuelles lésions ophtalmiques afin de raccourcir le délai de diagnostic de la maladie. Les explications du Dr Kevin Muggler (à d.), chef de clinique adjoint à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, et du Dr Raphaël Bernard-Valnet (à g.), chef de clinique à l’Unité de neuro-immunologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Que savons-nous aujourd’hui des liens entre sclérose en plaques et atteintes oculaires ?
Kevin Muggler (K.M.) : La sclérose en plaques est une maladie auto-immune qui attaque la gaine protectrice des nerfs, ce qui les empêche de bien fonctionner. Parmi les nombreux symptômes neurologiques qui en découlent, les personnes concernées rencontrent souvent des problèmes de vision et des difficultés à bouger les yeux. Souvent précoces, ces troubles sont causés par des lésions au niveau du nerf optique et d’autres voies nerveuses qui contrôlent les mouvements oculaires. Ainsi, les yeux peuvent bouger plus lentement, moins précisément ou de façon moins bien coordonnée.
Raphaël Bernard-Valnet (R.B.-V.) : L’atteinte visuelle fait d’ailleurs, depuis 2025, partie intégrante de la liste des critères permettant de définir et de diagnostiquer la maladie.
Comment diagnostiquer ces lésions ?
R.B.-V. : Pour repérer une atteinte du nerf optique, deux examens sont réalisés : le premier est un fond d’œil, afin d’observer les neurones au niveau de la rétine ; le second, appelé examen « des potentiels évoqués visuels », permet de déceler une atteinte de la voie visuelle par l’enregistrement des ondes cérébrales grâce à des électrodes. Mais, à ce jour, nous ne parvenons pas à analyser finement les mouvements oculaires eux-mêmes.
D’où votre projet « SubClinical Oculomotor Parameters Examination in Multiple Sclerosis » (SCOPE-MS), ou « Examen des paramètres oculomoteurs subcliniques dans la sclérose en plaques » ?
K.M. : En effet. Il repose sur l’eye tracking, une méthode d’enregistrement et de mesure des mouvements des yeux utilisant une caméra infrarouge posée sur la tête du patient ou de la patiente. Cette technique est capable de détecter des anomalies imperceptibles à l’examen clinique de routine en neurologie. L’objectif est de déterminer si l’eye tracking peut révéler des signes oculaires à un stade précoce.
R.B.-V. : Le but de cette technologie, qui a déjà fait ses preuves dans d’autres maladies neurologiques, est aussi de voir si la présence de certaines anomalies précoces des mouvements oculaires pourrait prédire l’évolution de la sclérose en plaques.
Quels impacts ce projet pourrait-il avoir sur le diagnostic ?
K.M. : En repérant plus tôt des lésions au niveau de l’œil, l’eye tracking contribuerait à l’établissement d’un diagnostic plus précoce de la maladie. Cette technique pourrait finalement devenir un outil complémentaire aux examens classiques comme l’IRM ou la ponction lombaire.
Pourrait-il également influencer le traitement de la maladie ?
K.M. : Oui, car un traitement commencé tôt se révèle plus efficace pour cette maladie. La diagnostiquer rapidement est donc absolument essentiel. Les personnes malades pourraient bénéficier plus vite de traitements adaptés. Ainsi, leur maladie serait mieux contrôlée et leur handicap, à long terme, amoindri. L’eye tracking pourrait aussi servir à suivre l’efficacité du traitement proposé, en facilitant l’observation de la stabilité ou de la progression des troubles oculomoteurs avec le temps.
R.B.-V. : Aujourd’hui, il existe une quinzaine de traitements, ce qui rend possible une médecine personnalisée. Mais celle-ci pourrait l’être encore plus si nous découvrons des marqueurs visuels permettant de mieux caractériser la sévérité et le risque d’une évolution défavorable.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.