L’école d’orthoptique fête ses 70 ans
Chaque année, plusieurs orthoptistes sont diplômé-e-s à Lausanne.
Au coeur de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, l’École supérieure d’orthoptique est une institution unique en Suisse romande. Ses acteurs et actrices d’hier et d’aujourd’hui racontent son histoire.
Discrète mais ô combien importante, l’École supérieure d’orthoptique fête cette année son 70e anniversaire. Partie intégrante de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, elle est la seule école en Suisse romande à former des orthoptistes, ces technicien-ne-s spécialistes des troubles visuels (lire encadré). Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi, se souvient le Dr Georges Klainguti, médecin-chef ayant dirigé l’institution pendant trente ans : « Autrefois, Genève avait sa propre école. Elle a ensuite fusionné avec Lausanne pour des raisons budgétaires. En Suisse alémanique, il n’existe plus qu’une école, basée à Winterthur ». Aujourd’hui, il y a seulement deux établissements dédiés à la branche pour toute la Suisse et près d’une dizaine d’orthoptistes diplômés en sortent chaque année, dont deux à trois à Lausanne.
« Le besoin en nombre est faible, mais il est constant dans le temps. Auxiliaire précieux de l’ophtalmologue, l’orthoptiste pose des diagnostics et met en place des thérapies. À l’image des luthiers, il en faut peu, mais il en faut, ce qui est parfois difficile à faire comprendre », explique l’ancien directeur.
Des mues progressives à l’école d’orthoptique
Au cours du temps, l’école a subi plusieurs évolutions, à commencer par ses murs. Martine Jaquet, la troisième élève diplômée, se souvient: « En 1966, l’école se trouvait dans trois petites pièces au deuxième étage de l’hôpital, où travaillaient encore des sœurs infirmières. Notre service a ensuite déménagé dans les sous-sols, avec vue sur l’avenue d’Echallens ». Depuis les années 2000, l’école se trouve au sixième étage du bâtiment principal, à l’unité de strabologie, dans des locaux plus lumineux et spacieux.
Pendant longtemps, la profession, au même titre que sa formation, se plaçait uniquement sous l’égide de la Société suisse d’ophtalmologie. Par la suite, en 2005, a Croix-Rouge reconnaît la formation. Désormais, l’École d’orthoptique de Lausanne, dirigée par le Dr Pierre-François Kaeser, est une École Supérieure du canton de Vaud.
La formation elle-même a aussi beaucoup évolué, comme le raconte Martine Jaquet, diplômée en 1968 et à la retraite depuis une dizaine d’années : « À l’époque, la formation durait deux ans et demi, contre trois maintenant. Il y avait très peu de cours théoriques. En mettant en avant la pratique, le Pr Maurice Deller, ophtalmologue spécialiste en strabologie, était à l’avant-garde ». Ce mélange de théorie et de pratique, dans un seul et même endroit, est unique en Suisse.
Dans un contexte professionnel
Les futur-e-s orthoptistes apprennent leur métier dans un contexte professionnel et sous le regard expert des orthoptistes diplômé-e-s, comme l’explique Milena Udressy, qui a obtenu son diplôme en 2020 : « Dès la deuxième année, nous suivons nos propres patient-e-s, sous la supervision des diplômé-e-s. » Même si la pratique reste au cœur du cursus, de nouveaux cours ont été mis à l’agenda, décrit Nathalie Regamey, orthoptiste diplômée et formatrice : « C’est une formation interdisciplinaire. Les étudiant-e-s suivent également des cours à la Haute École de la Santé de la Source avec les infirmiers et infirmières et au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) avec les étudiant-e-s en médecine. Toutes et tous ont aussi des cours de psychologie et l’opportunité de faire des stages dans d’autres services de l’Hôpital ophtalmique. »
La formation, au fil des ans, a gagné en professionnalisme et a pris du corps. Néanmoins, elle reste à taille humaine. « Comme il y a peu d’étudiant-e-s, le suivi est très individuel. Ils ont vite de l’indépendance, mais nous les observons beaucoup », relate Nathalie Regamey. L’avenir de l’école semble se présenter sous les meilleurs auspices, d’après le Dr Klainguti : « Les patient-e-s qui requièrent ce type de soins existeront toujours. » La profession peut aussi bien s’exercer à l’hôpital, dans des institutions de santé ou dans le cabinet d’un ophtalmologue. Il n’y aucune menace pour celle-ci. Ces spécialistes recourent toujours plus aux services des orthoptistes. « Leur travail est très complémentaire et ce partenariat fonctionne extrêmement bien », conclut-il.
Trois questions à Nathalie Regamey, orthoptiste diplômée
En quoi consiste le métier d’orthoptiste ?
Nous nous occupons de contrôler la position et la collaboration entre les deux yeux, ce qu’on appelle la vision binoculaire. Notre travail repose également sur le dépistage des troubles visuels, chez le petit enfant mais aussi chez l’adulte et la personne âgée, et se fait en partenariat avec les médecins ophtalmologues. Nous voyons les patients et patientes avant la consultation médicale pour effectuer les mesures et après pour l’application des traitements. On nous appelle souvent les « physiothérapeutes des yeux ». En effet, notre travail consiste à rétablir ou à améliorer l’efficacité de la vision par des exercices de rééducation, à quantifier la déviation oculaire pour le suivi ou en vue d’une opération, ou encore à rendre un certain confort visuel à des patients et patientes qui voient double en raison d’une maladie provoquant des troubles oculomoteurs.
De quels outils avez-vous besoin ?
Notre équipement est assez simple. Nous avons besoin d’un point lumineux, par l’intermédiaire d’une lumière ou d’une lampe de poche, de palettes avec des caches et de barres à prismes pour effectuer les mesures.
Quelles sont les qualités nécessaires ?
Le sens de l’observation et la précision sont des qualités importantes. La patience, l’empathie et l’attention à autrui sont également indispensables face à la diversité de patient-e-s, qu’ils aient trois mois ou qu’ils soient très âgés.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.