
Mission : former à la déficience visuelle
Une formation inédite pour sensibiliser le personnel d’aide et de soins à domicile.
Les employés et employées des centres médico-sociaux (CMS) de la région lausannoise vont désormais bénéficier d’une formation qui leur permettra de mieux dépister la malvoyance des personnes accompagnées et d’adapter leur prise en charge.
Certaines personnes, les plus âgées notamment, refusent de sortir de chez elles. D’autres s’isolent, peinent à se nourrir ou à s’hydrater. On attribue souvent ces comportements à des troubles psychiques, sans penser qu’ils peuvent parfois résulter d’une vue défaillante. Pour le personnel des centres de soins et de l’aide à domicile, en prendre conscience est essentiel.
Et bien souvent, le défi est de taille, car « les façons de se comporter avec des personnes atteintes de déficience visuelle ne sont pas enseignées dans les cursus des formations traditionnelles », constate Valérie Sirieix, responsable de la formation soins & médico-technique et thérapeutique (MTT) à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Pour pallier ce manque, cette infirmière clinicienne et sa collègue Maryne Mailly, optométriste et référente formation et e-learning, ont élaboré une formation spécifique. En collaboration avec les trois associations regroupant les centres médico-sociaux de la région lausannoise, elles ont mis en place des cours auxquels les 1 500 collaboratrices et collaborateurs de ces établissements seront invités à participer. L’objectif : les sensibiliser à la santé visuelle, laquelle « est aussi importante que la santé physique ou mentale », souligne Valérie Sirieix. « Il est nécessaire que nos collaboratrices et nos collaborateurs comprennent qu’une déficience visuelle affecte le quotidien de nos clientes et nos clients », renchérit Timothy Spina, responsable des prestations à la Fondation Soins Lausanne (FSL), qui regroupe les huit CMS de la ville de Lausanne.
La santé visuelle est aussi importante que la santé physique et mentale
Valérie Sirieix
Dans la peau d’une personne malvoyante
Destinée aux infirmiers et infirmières, assistants et assistantes en soins et santé communautaire (ASSC), assistantes sociales et assistants sociaux, ergothérapeutes, diététiciennes et diététiciens, la formation se fait dans un premier temps à distance, sous forme d’e-learning. « Nous donnons des bases théoriques, précise Maryne Mailly. Après avoir décrit l’anatomie de l’œil, nous évoquons notamment les maladies oculaires les plus fréquentes, ainsi que leurs impacts sur la vision. Nous expliquons également comment suspecter une déficience visuelle chez une personne à domicile, ainsi que la façon de se comporter pour lui faciliter la vie ou améliorer sa sécurité. » La formation se poursuit en présentiel et « nous l’adaptons aux différents métiers », indique l’optométriste.
C’est aussi en présentiel qu’elle est prodiguée aux auxiliaires de santé (en charge des soins non infirmiers, de l’aide à la préparation des repas ou au ménage, etc.). Les cours laissent alors une large place aux ateliers interactifs et pratiques. « J’arrive avec une valise chargée de matériel », raconte Valérie Sirieix. Elle contient en particulier des lunettes spéciales qui permettent aux participantes et participants de se mettre dans la peau de personnes ayant un déficit visuel et de voir comme elles.
Depuis peu, la nouvelle application Vision[s], qui permet de simuler un problème visuel directement avec la caméra d’une tablette ou d’un smartphone est également utilisée. « Cela attire notamment leur attention sur les objets du quotidien », poursuit l’infirmière clinicienne. Les auxiliaires prennent conscience qu’il est par exemple difficile de distinguer une assiette blanche sur une nappe de la même couleur. Ou encore, constate Valérie Sirieix, « que l’on peut aisément confondre un tube de dentifrice avec un tube de Cenovis ou de cirage ».
« Ces ateliers ont beaucoup impressionné nos collaboratrices et collaborateurs », remarque Timothy Spina. Auxiliaire de santé à l’APREMADOL (qui regroupe les CMS de l’Ouest lausannois), Rosa Maria Albuquerque Ferreira Augusto y a été très sensible : « Quand on vit les difficultés d’une personne, on y accorde une plus grande attention ».

Signaux d’alerte
Les formatrices et leurs collègues insistent aussi sur « l’éducation thérapeutique et la compliance », précise Valérie Sirieix. Dans le domaine de l’ophtalmologie, comme dans bien d’autres, il est indispensable de bien suivre son traitement, de mettre régulièrement ses gouttes oculaires par exemple, « sinon, les conséquences peuvent être graves », précise l’infirmière clinicienne.
Un autre chapitre abordé est celui de la détection des déficiences visuelles. Pour les infirmières et infirmiers ainsi que pour les ASCC, « les signaux d’alerte sont, entre autres, une rougeur à l’œil accompagnée d’une douleur ou l’apparition soudaine d’une vision double », explique Valérie Sirieix. Pour les auxiliaires, il s’agit d’interpréter certaines attitudes inhabituelles. « Quand on voit une dame, habituellement très coquette, porter un pull plein de taches ou du courrier qui s’accumule dans un coin, on doit s’en soucier, illustre Rosa Maria Albuquerque Ferreira Augusto. Nous sommes en première ligne pour repérer ces signaux. »
Une formation très utile
Toutes celles et ceux qui ont participé jusqu’ici à cette formation la trouvent très utile. « Elle leur permet de se mettre à la place de l’autre et de mieux comprendre ses problèmes, confirme Timothy Spina. C’est un élément essentiel pour que nos clientes et clients puissent garder le plus longtemps possible une certaine autonomie. » Rosa Maria Albuquerque Ferreira Augusto estime même que l’on devrait « apprendre tout cela à l’école ».
Nous n’en sommes pas là, mais les formatrices n’excluent pas, à terme, de proposer leur expertise « à toutes les institutions qui s’occupent des soins à domicile », indique Valérie Sirieix. Mais aussi, ajoute Maryne Mailly, « à des associations spécifiques, comme celles qui assurent le transport des personnes handicapées ». Sans oublier, bien sûr, les EMS. « Il y a encore un énorme champ des possibles », conclut Valérie Sirieix.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.