
Sensibiliser à la déficience visuelle des tout-petits
Un accompagnement spécifique destiné aux équipes éducatives de la petite enfance.
Crèches, garderies ou encore mamans de jour sont susceptibles d’accueillir des enfants aveugles ou malvoyants. Une sensibilisation à la déficience visuelle a été mise en place pour accompagner les professionnels et professionnelles de la petite enfance.
En août dernier, quand Charles* est arrivé à l’Espace de vie enfantine (aussi appelée « EVE », la structure fait partie de l’association Enfance & Jeunesse), « c’était la première fois que l’on accueillait un enfant avec une déficience visuelle si importante, se souvient Sandra Bussy, directrice de l’EVE. Je n’avais pas conscience que ce petit garçon de 2 ans voyait si peu. » Après avoir bénéficié d’une sensibilisation spécialement pensée pour les équipes éducatives de la petite enfance, Sandra Bussy et son équipe ont mieux compris certains comportements du garçonnet et modifié quelques-unes de leurs pratiques.
Les enfants aveugles ou malvoyants ont des besoins particuliers qu’il faut prendre compte, afin de leur assurer « le meilleur confort possible au quotidien », précise Maddalena Verri, pédagogue en éducation précoce spécialisée à l’unité mobile du service éducatif itinérant du CPHV. C’est pour cette raison qu’avec ses collègues, elle a entrepris un travail de sensibilisation à la déficience visuelle de la petite enfance. « Lorsqu’une structure accueille un enfant en situation de handicap visuel, une équipe éducative bien informée sur le sujet comprend mieux l’atteinte visuelle de l’enfant et ses besoins en termes d’accessibilité à l’environnement. Cette sensibilisation les aide aussi à concevoir des activités et des jeux mieux adaptés à sa pathologie. »
Les pédagogues interviennent aussi auprès des mamans de jour et, « selon les demandes des équipes, assurent un suivi régulier tout au long de l’année », poursuit l’experte.
Jeux de rôle
Planifiés sur des plages d’une heure, les colloques animés par Maddalena Verri sont principalement constitués d’animations et de jeux de rôle destinés à mettre les éducateurs et les éducatrices en situation de déficience visuelle, à l’aide de bandeaux et de lunettes de simulation, afin d’expérimenter les obstacles et difficultés que peut rencontrer l’enfant au quotidien. »
Ces jeux de rôle « sont organisés dans le contexte de l’une de nos journées types. Ils se déroulent dans la salle de vie des enfants qui est pleine d’objets, de bruits, certaines d’entre nous tenant le rôle des enfants », raconte Émilie Guisolan, éducatrice du Groupe des trotteurs (la structure éducative de l’EVE) qui s’occupe de Charles. C’est de cette manière que j’ai pu me représenter comment vivait le petit garçon, quelles étaient ses difficultés, mais également ses compétences. » Et Sandra Bussy de poursuivre : « Nous avons aussi mieux compris certains de ses comportements, par exemple sa façon de s’approcher très près des autres enfants. »
Ces animations permettent également à Maddalena Verri d’attirer l’attention des équipes éducatives sur la nécessité d’éviter l’éblouissement qui empêche de bien distinguer les objets, mais aussi de souligner « l’importance des contrastes, par exemple lors du choix des tapis (d’éveil notamment) qui doivent de préférence être unis et d’une couleur bien distincte du sol, afin que les jouets soient perçus plus facilement par les enfants ». La pédagogue rend par ailleurs les équipes attentives aux obstacles présents dans l’environnement. Autant de sujets qui les amènent à prendre conscience que « certaines adaptations sont nécessaires », ajoute-t-elle.

Activités multisensorielles
Au cours de sa prestation, l’experte donne aussi aux professionnels et professionnelles de la petite enfance des pistes pour mettre en place « des activités multisensorielles qui font appel à d’autres sens que la vue, comme le toucher, l’odorat ou encore le goût ». Il peut s’agir de livres olfactifs ou « d’activités sensorielles comestibles pour faire appel au goût. Celles-ci sont d’ailleurs très appréciées par tous les enfants », constate Maddalena Verri.
Il est aussi très important que les autres enfants puissent comprendre la situation de celle ou celui qui présente une déficience visuelle. « Lorsque le petit ou la petite porte un patch sur un œil par exemple, les autres ont parfois tendance à le lui enlever. Dans ce cas, on peut leur en laisser à disposition ou jouer à en mettre sur les doudous. » Charles est dans cette situation : outre des lunettes, il a aussi un cache sur l’un de ses yeux. « Nous avons mis des bandeaux aux poupées et nous avons expliqué aux enfants à quoi ils servaient. Depuis, ils sont attentifs et, si Charles ôte son cache, ils viennent nous le dire », constate Émilie Guisolan.



Une sensibilisation bénéfique
L’éducatrice du Groupe des trotteurs estime que cette sensibilisation est « très intéressante » et qu’elle lui a été « bénéfique ». Elle précise que cela « lui a donné envie de repenser certaines activités, par exemple de prévoir des jeux grand format, comme de gros cubes ou dés, que Charles voit mieux que des jouets classiques ». Toute l’équipe veille désormais aussi à ce que Charles soit bien placé pendant les promenades. « Nous faisons en sorte que la corde que tiennent les enfants soit du côté de son œil caché, afin qu’il distingue mieux la route », ajoute Émilie Guisolan.
« Lors de la mise en place d’une structure d’accueil, nous devrions toutes et tous être sensibilisés au préalable à la déficience visuelle », estime la directrice de l’EVE. Maddalena Verri souhaite, elle aussi, développer cette activité. Depuis trois ans, elle est déjà intervenue dans une quinzaine de structures dans le canton de Vaud et elle aimerait « faire connaître cette prestation au plus grand nombre de professionnelles et professionnels de la petite enfance ». L’objectif : faire en sorte que, comme Charles, les enfants ayant un déficit visuel puissent être mieux compris et mieux accompagnés.
* Prénom d’emprunt.
Nous avons modifié l’article original pour en faire une version web.